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«Le juge-arbitre tranche souvent en faveur du plus outillé juridiquement»
-Outre les surcoûts souvent générés par les projets publics, certains dégénèrent en situations litigieuses et en arbitrage opposant maîtres d'ouvrage algériens à leurs partenaires étrangers. D'après vous, le cadrage juridique des contrats souffre-t-il de carences menant à des situations d'arbitrage ? Nous ne pensons pas que c'est le cadrage juridique qui souffre de carences menant à des situations d'arbitrage. Il n'y a pas à proprement parler de défaillance, puisque l'ensemble des dispositions contractuelles sont préalablement déterminées par le maître de l'ouvrage au stade de la rédaction du cahier des charges. Toutefois, les problèmes générés sont liés au défaut de maturation des études et au manque de précision dans la rédaction des contrats. Les contrats actuels, qui sont de plus en plus savants et compliqués, nécessitent une expertise fine et adaptée. Les parties au contrat sont libres d'insérer telle ou telle clause, exception faite des dispositions d'ordre public qui relèvent de la souveraineté nationale. En général, les règles applicables aux contrats commerciaux sont fondées sur l'autonomie de la volonté. Pour ce qui est des projets publics, la liberté contractuelle est, toutefois, écartée lorsqu'une disposition particulière ordonne aux parties d'appliquer une règle déterminée. Il en est ainsi de certaines conventions internationales (relatives à la protection réciproque des investissements) ou de certaines lois nationales (notamment celles relatives aux marchés publics). -Le droit algérien en matière d'encadrement des contrats de projets publics est-t-il en harmonie avec le droit international sur lequel s'appuient les juridictions étrangères en cas d'arbitrage ? Il ne saurait y avoir un manque d'harmonie entre le droit international et le droit national. En effet, en matière de contrats, le droit algérien s'inspire dans une très large mesure du droit français. D'autant plus que dans les contrats internationaux, il n'y a pas à proprement parler de droit supérieur à un autre. Par conséquent, les litiges qui naissent ne sont pas dus au fait que le droit algérien n'est pas adapté au droit international ; ils sont le fait d'insuffisance ou d'imprécision lors de la rédaction des contrats. Ces derniers nécessitent l'intervention d'experts ayant une compétence avérée, lesquels sont le plus souvent absents lors de la négociation ou de l'exécution de ces contrats. Il y a lieu de relever que les contrats relatifs aux projets publics contiennent des clauses qui se rapportent à l'application de la loi algérienne en cas de litiges qui naîtraient à l'occasion de l'exécution ou de l'interprétation des contrats. En cas d'arbitrage, les juridictions arbitrales sont tenues d'appliquer le droit algérien. Aussi, les contradictions, les ambiguïtés et les imprécisions des termes du contrat relèvent de la non-expertise constatée lors de la rédaction des contrats. Le juge-arbitre tranche souvent en faveur du partenaire étranger, plus compétent et plus outillé juridiquement. La rédaction des contrats n'est pas un réflexe, elle ne saurait remplacer la réflexion. -D'après le secrétaire général de la CCI, une vingtaine de plaintes ont été introduites par des partenaires étrangers contre des entreprises et/ou des institutions algériennes en 2012. Pouvez-vous nous situer les failles juridiques qui échappent aux maîtres de l'ouvrage algériens ? Pensez-vous qu'on négocie mal nos contrats ou bien le droit international est-il plus évolué que le nôtre ? En effet, les contrats nécessitent la rédaction de clauses claires et précises exemptes d'ambiguïtés, de contradictions ou de lacunes. Des formules ambiguës peuvent engendrer des litiges et conduire à un contentieux judiciaire ou arbitral. Certaines failles juridiques se rapportent, entre autres, à l'imperfection rédactionnelle liée à une utilisation grammaticale imparfaite, tel l'usage de formules inappropriées (conditionnel, préposition, ponctuation, genre, etc.). L'incohérence du texte lui-même est une autre faille et non des moindres. Il arrive que des clauses d'un même contrat soient contradictoires. Les parties, dans ce cas, sont alors réduites à demander au juge ou à l'arbitre d'interpréter telle ou telle clause. D'autant que les partenaires étrangers restent dans un mutisme «déloyal» lorsqu'ils s'aperçoivent d'une faille juridique lors de la conclusion des contrats, profitant, pour cela, du non- professionnalisme de la partie algérienne en matière de passation des contrats internationaux, de plus en plus complexes et sophistiqués. De même, différents documents contractuels (appelés communément annexes) sont établis et font partie d'un ensemble intégré ayant une valeur contractuelle. Dans ce cas, il y a lieu également d'harmoniser ces différents documents pour en faire un ensemble clair et cohérent, afin d'éviter les contradictions. Les parties au contrat ont intérêt à fixer l'importance des uns par rapport aux autres (documents), selon un ordre préétabli. Autre faille : l'imprécision des clauses contractuelles liées à la survenance d'événements qu'on assimile aux conditionnalités (réalisation de tel ou tel fait pour exécuter telle ou telle clause). Celles-ci sont parfois formulées de manière imprécise et incertaine (prix, délais, lieu de livraison...).