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Agadez au patrimoine mondial, le pied-de-nez aux djihadistes
L'inscription de l'œuvre de l'empereur des Songhaï est un acte de résistance face à la menace djihadiste.
Askia Mohamed, l’empereur des Songhaï (1443-1528), a de quoi se réjouir dans sa tombe; l’œuvre de ce conquérant originaire du Fouta Toro, dans le Sénégal actuel, vient d’être reconnue par l’humanité comme digne d’intérêt pour les générations actuelles et futures.
C’est une mosquée qu’Askia Mohamed avait construite à Agadez lors de son passage dans cette partie du Ténéré nigérien. Certes, la région d’Agadez abrite des vestiges, vieux de plusieurs siècles, mais la mosquée d’Askia s’impose par sa magnifique architecture. C’est donc un hommage bien mérité que l’on rend à cet illustre personnage historique.
Hommage
Mais l’hommage revient aussi aux autorités nigériennes qui ont sans doute fait des pieds et des mains pour que ce joyau culturel ait toute sa place dans la galaxie des monuments reconnus par l’Unesco.
Ce combat avait toute sa raison d’être mené car les touristes avaient déserté cette partie du Niger, avec tout ce que cela implique comme perte économique pour le pays. Mais, c’est surtout la culture africaine qui est d’abord magnifiée. C’est tant mieux, si les dirigeants mettent de plus en plus de moyens pour faire reconnaître leurs patrimoines culturels au monde entier, car aucun développement durable ne peut se passer de la culture.
Ce pari étant gagné par le pouvoir nigérien, il en reste un autre, celui de la sécurité du site d’Agadez. On ose espérer qu’en déclarant Agadez «patrimoine mondial», l’Unesco sait bien ce que cela implique. Le contexte dans lequel cette ville est honorée inquiète outre mesure.
Sécurité
Nous sommes dans l’ère de l’internationale djihadiste qui a étalé ses tentacules dans la bande sahélo-saharienne. Et le Niger est dans l’œil du cyclone. L’inscription d’Agadez au patrimoine mondial est donc un véritable pied-de-nez fait aux fous de Dieu qui n’ont aucun égard pour la culture ni pour la mémoire.
Pour preuve, quand les talibans ont pris le pouvoir en Afghanistan, leurs premières mesures étaient de détruire tous les monuments mémoriaux du pays. Il en est de même de Ansar Dine et compagnie, au Nord-Mali, qui ont transformé les sites historiques de Tombouctou en champs de ruines.
Si l’on n’y prend garde, Agadez focalisera désormais l’attention des terroristes pour la simple raison que son mérite est magnifié par l’Unesco, qui est, à leurs yeux, une institution occidentale, donc de mécréants.
Tourisme
Aussi longtemps que les djihadistes écumeront la bande sahélo-saharienne, ils n’hésiteront pas à attaquer Agadez pour faire mal à l’Occident. Mais faut-il toujours tenir compte de ces illuminés pour poser des actes grandeur nature?
L’Unesco, de toute évidence, n’a pas voulu accorder d’importance à la présence réelle ou virtuelle de ces fous. On ne peut que lui donner raison car on ne peut rien construire de solide en tenant compte de ces terroristes.
D’ailleurs, ce serait leur donner du poids, que de se résoudre à ne rien construire, de peur qu’ils ne détruisent tout un jour.
Bref, Agadez est devenue un site, propriété de l’humanité. Sa protection contre d’éventuelles attaques terroristes n’est plus la seule préoccupation nigérienne. Elle devrait être l’affaire de tous.
Boulkindi Couldiati (Le Pays)