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Le dernier acte de la pièce Arab Idol se joue vendredi 21 juin. Dans la salle et derrière le petit écran, des millions d’arabes suivront l’émission. Comme chaque vendredi depuis près de trois mois. Les trois candidats en lice pour la première marche – le Gazaoui Muhammad Assaf, la Syrienne Farah Youssef et l’Egyptien Ahmed Gamal – interpréteront les plus célèbres morceaux du répertoire arabe. Face à eux, un jury à fleur de peau et un public en attente d’émotions fortes et de divertissements. Comme une pièce de théâtre classique, Arab Idol répond à trois critères fondamentaux : unité de temps, de lieu et d’action. Chaque vendredi, la même intrigue se noue et se dénoue sur le plateau de MBC (Middle East Broadcasting, chaîne à capitaux saoudiens) : quel interprète sera l'élu des téléspectateurs ? Un SMS, une voix. Plus simple qu’en politique, surtout quand les élections virent à la mascarade.
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Arab Idol, inspirée de la célèbre version anglaise « Pop Idol », offre au spectateur une image plus harmonieuse du monde arabe. Au milieu de la guerre civile en Syrie, la division entre la Cisjordanie et Gaza, la fitna entre chiite et sunnite, Arab Idol brosse un tableau moins morcelé de la région. Symbole de cette unité : la langue. Chaque participant vient avec son dialecte, ses intonations, ses expressions, mais cela ne semble pas compliquer la communication entre les différentes nationalités. Aucun participant ne se libère de sa langue familiale, familière. Si certains candidats s’amusent à gommer leurs particularismes, un mot, une construction ou même l’expression du visage viendra les trahir.
Arab Idol se veut le contre-pied de ce qui fait l’actualité en Egypte, à Gaza ou en Syrie. Le spectacle prime. Les chanteuses sont toutes affublées de robe sophistiquées, outrancièrement maquillées, comme toutes les célébrités orientales. Le jury participe grandement à cette ambiance trop bonne enfant, trop sympathique, même trop lisse. Chaque passage de candidat est l’occasion, pour le jury, de verser une larme, improviser quelques pas de danse, agiter les mains de droite à gauche.
Après tant de bons sentiments, le téléspectateur s’interroge : quel message veut-on nous délivrer avec ce programme ? Un message politique ? Peut-être. On peut dire que les bouleversements politiques qui ont éclaté dans plusieurs pays arabes depuis 2011, se sont souvent invités au spectacle. On se souvient de la prestation de ce Syrien, originaire d’Alep, Abdel-Karim Hamdan. Le jeune Alépin avait alors interprété, devant un public et un jury attendris, une complainte déchirante sur les malheurs que traverse sa terre natale: Alep, fontaine de douleur qui coule dans mon pays. Quel sang versé dans mon pays. Je pleure le cœur brisé sur mon pays, sur ses enfants devenus des étrangers, ô mon pays !…
Toutes ces émotions ne doivent pas faire oublier que l’émission est calibrée du début à la fin. Les candidats ne transforment pas le plateau en tribune politique. L’inverse est moins vrai. «Tout est déjà prévu dans le programme, explique Yves Gonzalez Quijano dans son excellent blog Cultures et politiques arabes. On le sait par avance: jusqu’à la finale, Arab Idol va continuer à dérouler, en même temps que son chapelet de tubes à la mode, des épisodes qui exploiteront, avec plus ou moins de sincérité, les ressorts politiques des émotions arabes.»
Nadéra Bouazza
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