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Temple d'Hatshepsout, à Louxor, le 27  février 2013. REUTERS/Mohamed Abd el-Ghany
Temple d'Hatshepsout, à Louxor, le 27 février 2013. REUTERS/Mohamed Abd el-Ghany

Egypte: un repenti du djihad devenu maître de Louxor

La nomination d'un salafiste de la Jamaa al-Islamiya comme gouverneur de Louxor est perçue comme une provocation par les professionnels du tourisme.

En nommant 17 gouverneurs proche de sa chapelle, le président Mohamed Morsi s'attendait-il à une telle bronca? Depuis le 16 juin dernier, date à laquelle le président islamiste a fait savoir la liste des nouveaux gouverneurs, les critiques fusent.

Des affrontements musclés ont éclaté dans plusieurs gouvernorats entre les partisans de la confrérie et les opposants à la «frérisation» en cours.

Dans la ville industrielle de Mahalla al-Koubra, dans la province de Gharbiya, des manifestants ont bloqué une mosquée où des clercs Frères musulmans devaient se rendre.

Autre ville touchée par ce vent de contestation: Louxor, haut lieu du tourisme. Des habitants sont postés devant le bureau du gouverneur fraîchement nommé.

«Le gouverneur terroriste n'est pas le bienvenu», lit-on sur les pancartes.

A Louxor, ce dimanche 16 juin, le spectre de l'été 1998 a refait surface: une saison ruinée par l'attentat le plus meurtrier qu'ait connu l’Égypte. Le 17 novembre 1997, dans l'ancienne Thèbes, 58 touristes trouvaient la mort.

Les habitants de Louxor, dont la majorité des revenus provient du tourisme, n'ont pas oublié. Pourquoi ce drame a-t-il refait surface ce dimanche 16 juin? Un nom: Adel Asaad El-Khayat. Un groupe: la Jamaa al-Islamiya.

Adel Asaad El-Khayat a été nommé gouverneur de Louxor, or il est membre de la Jamaa al-islamiya. Un groupe qui avait été à l'origine de la tuerie de Louxor en 1997. Depuis 2003, le groupe a renoncé à la violence et rejoint le processus politique depuis 2011.

Salafisme et tourisme

Malgré leur entrée dans le jeu politique, certains craignent que la base, jugée plus conservatrice, sape l'ouverture touristique. Visitée par des millions de touristes chaque année, la vallée des Rois est l'une des attractions les plus prisées des étrangers.

Short, alcool, bains de soleil et mixité ne doivent donc pas être remis en question. Après deux ans de marasme économique, les professionnels du tourisme trouvent cette nomination scandaleuse et craignent des retombées sur l'activité.

Graffiti contre le nouveau gouverneur de Louxor qualifié de "terroriste". @

La nomination d'un salafiste surprend car les «pieux ancêtres» ne sont pas connus pour être des amoureux de la culture antique, pré-islamique. Les temples, les dieux et les reliques relèvent, selon eux, de la culture païenne. Il n'est pas rare que des prédicateurs salafistes se lancent dans des diatribes musclées contre ces vestiges de l'Egypte antique tant adulés des touristes étrangers.

Que sait-on sur des membres de la Jamaa al-Islamiya?

«Le mouvement compte plusieurs dizaines de milliers de membres. Ces derniers sont essentiellement issus de la génération des années 1970 et 1980, passés pour beaucoup par les prisons et la torture. Il y aurait assez peu de recrutement chez les jeunes. Ils sont, depuis leurs débuts, surtout implantés en Moyenne-Égypte, dans des villes comme Assiout, Minya ou Sohag (c'est là qu'ils ont remporté l'essentiel de leurs députés en 2011)», précise Stéphane Lacroix, maître de conférences à Sciences-po Paris et spécialiste de l’islam politique.
Depuis leur apparition sur la scène politique en 2011, le groupe est divisé entre une faction plus «ouverte» (avec Nageh Ibrahim et Karam Zohdi) et une faction un peu plus «dure» (avec Abbud al-Zumur et Isam Abd al-Meguid, entre autres). Plusieurs questions étaient en débat,  notamment celle de l'ouverture aux partis non islamistes. Le renoncement à la violence ne serait pas un point de divergences entre les différentes factions.
«La Jamaa al-Islamiya cherche davantage sa place dans le champ de l'islam politique égyptien: alliance avec les salafistes pour les élections de 2011 et 2012, puis rapprochement avec les Frères musulmans», analyse Stéphane Lacroix

La nomination d'Adel Asaad El-Khayat participerait de cette dernière évolution. Autre élément à prendre en compte: le premier anniversaire de l'élection de Mohamed Morsi, le 30 juin prochain. A l'aube d'un tel rendez-vous symbolique, au cours duquel les opposants ont prévu de manifester, Morsi préfère s'assurer du soutien de son aile droite.

Nadéra Bouazza

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Nadéra Bouazza

Nadéra Bouazza. Journaliste à Slate Afrique

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