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Weld El 15: le procès de la liberté d'expression en Tunisie
La sévérité du verdict à l’issue du procès du rappeur Weld El 15 suscite stupeur et indignation chez les Tunisiens.
La liberté d’expression semble décidément bien mal en point en Tunisie, rapporte le site d’information Nawaat. Le 13 juin 2013, le rappeur Alaa Eddine Yacoubi, connu sous le nom de Weld El 15, a été condamné à deux ans de prison ferme. à l’issue de son procès au tribunal de Ben Arous, en banlieue de Tunis.
Sa chanson et son clip Boulicia Kleb («Les policiers sont des chiens») se sont attirés les foudres de la justice tunisienne: le chanteur était poursuivi pour «outrage à un fonctionnaire», «outrage public à la pudeur» ainsi que «complot formé pour violences sur un fonctionnaire et appel à la rébellion», rappelle Nawaat. Il est acquitté pour ce dernier chef d’accusation mais condamné pour les autres, précise le site.
Avant l’audience, le musicien se sentait pourtant confiant. En cavale depuis trois mois, il a finalement décidé de se soumettre à la justice après le non-lieu dont avaient bénéficié ses amis rappeurs crédités à la fin du clip, signale le journal. Le cameraman et une actrice figurant dans la vidéo avaient, eux, écopé de six mois de prison avec sursis.
D’après Nawaat, son avocat, maître Ghazi Mrabet, espère également l’indulgence de la cour, en affirmant que «les chefs d’inculpation ne tiennent pas la route (…) puisqu’il a tenu ses propos via une vidéo artistique et non pas face à un policier, en l’insultant directement». Mais le juge chargé de s’occuper de l’affaire est remplacé à la dernière minute, ce qui «ne présage rien de bon», craint l’avocat.
La défense tente de plaider en faveur de la liberté d’expression et de création artistique, explique Nawaat, mais rien n’y fait. Après dix minutes de délibération, la sentence tombe: deux ans de prison ferme pour Weld El 15, qui est incarcéré aussitôt, indique le site.
L’article évoque l’indignation qui traverse la salle. Des échauffourées éclatent en réaction au verdict. Selon le site, le comité de soutien au chanteur reste réuni devant le tribunal. La tension monte avec les policiers, qui interpellent les membres du comité pour les inciter à partir… avant de les empoigner pour les pousser vers la sortie. Certains rappeurs se font brutaliser et un journaliste de Nawaat se fait «tabasser alors qu’on tente de lui enlever sa caméra».
La journaliste franco-tunisienne Hind Meddeb, qui avait signé une tribune dans Libération quelques jours plus tôt, crie «les policiers sont vraiment des chiens!». Elle est arrêtée puis relâchée le soir même. Elle devra comparaître le 17 juin devant le juge d'instruction. Des incidents qui en disent long sur l'état de la liberté d'expression en Tunisie.
Lu sur Nawaat