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Le grand retour de Marc Ravalomanana
En exil depuis 2009, le président malgache déchu sort renforcé de la médiation internationale dans la crise à Madagascar alors que TGV, son tombeur, fait du surplace.
Mise à jour du 6 février: Alors qu'elle essayait de rentrer d'exil en Afrique du Sud le 4 février, Lalao Ravalomanana, femme de l'ancien président de Madagascar, s'est vue signifier son interdiction d'embarquer dans l'avion en partance vers la Grande Île de la compagnie sud-africaine Airlink. Cette dernière avait reçu une lettre dissuasive du ministère des Transports malgache.
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Mise à jour du 21 janvier 2012: L'avion qui devait ramener au pays l'ancien président malgache Marc Ravalomanana a dû faire demi-tour, l'espace aérien malgache lui ayant été interdit, rapporte l'AFP. En exil en Afrique du Sud depuis trois ans à la suite d’un coup d’Etat, l'ex-président malgache Marc Ravalomanana avait quitté Johannesburg ce matin. Les autorités malgaches ont fait savoir qu’elles procèderaient à son arrestation dès son arrivée à l’aéroport d’Antananarivo, prévue dans l’après-midi. Marc Ravalomanana a été condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuité pour la mort d'une trentaine de manifestants, abattus par sa garde devant le palais présidentiel en février 2009. Les autorités d'Antananarivo ont été appelées à faire preuve de modération par plusieurs chancelleries, selon l'AFP.
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C’est presque le bout du tunnel pour Marc Ravalomanana, mais pas pour Madagascar, plongée dans une crise désastreuse et qui paraît sans fin.
En sommet à Sandton, en Afrique du Sud, la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) s’est finalement prononcée le 12 juin 2011 pour le retour sur la Grande Île du président malgache déchu, plus de deux ans après son départ précipité et la prise du pouvoir à Madagascar par Andry Rajoelina le 17 mars 2009 avec le soutien de l'armée.
Dans son communiqué final, la SADC a «exhorté la Haute Autorité de la Transition (HAT) à autoriser les personnes malgaches en exil pour des raisons politiques à retourner dans le pays sans condition». Une mesure qui bénéficie aussi à l’ancien président Didier Ratsiraka, résidant en France. Jusqu’à présent, aucun texte de résolution de la crise malgache proposé ne considérait le retour de Ravalomanana comme un préalable à «un retour à la normalité constitutionnelle», selon l’expression de la SADC.
Un revers pour Rajoelina
En dépit des formules diplomatiques d’usage, le communiqué de la SADC porte un rude coup aux autorités malgaches en place, qui espéraient de ce sommet l’adoption par la communauté internationale d’une feuille de route de sortie de crise conçue par l’émissaire de la SADC Leornardo Simao.
Mais la Communauté a penché du côté de ceux qui dénonçaient le déséquilibre du document en question, jugé trop avantageux pour Andry Rajoelina, alias «TGV». Ce dernier se voyait confirmer aux commandes de la Transition malgache tout ayant les mains libres pour se présenter à la prochaine élection présidentielle —alors que Ravalomanana était mis hors-jeu.
Andry Rajoelina a toujours été farouchement opposé à un retour de son prédécesseur à Madagascar. Tout a été fait pour empêcher une telle perspective. En août 2010, Marc Ravalomanana avait été condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuité dans l’affaire de la fusillade du 7 février 2009 devant le palais présidentiel, qui avait coûté la vie à des dizaines de personnes. Une condamnation qui semblait verrouiller les portes du pays à un Ravalomanana exilé en Afrique du Sud. Mais devant les tentatives de retour obstinées de ce dernier, les autorités malgaches avaient publié en février 2011 une notice d'instruction aux compagnies aériennes interdisant formellement de l’embarquer à destination de la Grande Île.
Une feuille de route à amender
Ravalomanana de retour, qu’adviendrait-il après? La SADC laisse entendre que la feuille de route est la voie à suivre, y compris par l’opposition des trois anciens présidents malgaches qui refusaient catégoriquement de le faire en l’état. Ces derniers peuvent se satisfaire du fait que, de l’avis de la SADC, la feuille de route doit d’abord mettre en œuvre des «amendements nécessaires». C’est une fois de plus un désaveu de la part de TGV qui martelait avant le sommet de la SADC que la feuille de route n’était plus à négocier —seulement à signer.
La décision de la Communauté à Sandton marque sans conteste un échec pour la HAT et Rajoelina. En dépit de son intransigeance affichée, il devra composer avec l’opposition pour espérer une reconnaissance internationale de son pouvoir. De toute évidence, toutes les initiatives récentes de lobbying entreprises par la HAT et ses alliés n’ont finalement rien donné. Au contraire, à la veille du sommet de Sandton, le Parlement européen augmentait la pression contre la HAT. Les députés européens ont appelé à la sévérité en plaidant pour une application rigoureuse des sanctions énoncées par l’Union africaine contre 109 personnalités du régime malgache, dont TGV lui-même.
Nul doute que pour aboutir, le processus actuel de sortie de crise devrait passer par des mesures d’apaisement et des négociations autour d’une table pour opérer les «modifications nécessaires» à la feuille de route. D’après la SADC, la HAT doit faire ses preuves «afin d’assurer la liberté politique de tous les Malgaches dans le processus inclusif menant à des élections libres, justes et crédibles». Reste que la voie vers les élections est encore longue et pavée d’obstacles, logistiques comme la refonte des listes électorales, mais aussi politiques comme les questions de l’amnistie et de la réconciliation nationale.
Loin d’être désarçonné, le président de la HAT reste au pouvoir. Sa jeunesse porte à croire qu’il a son avenir politique devant lui. Mais il est clair que le sommet de Sandton a sonné le glas de l’unilatéralisme de la HAT dans la crise à Madagascar. Reste à savoir si TGV ne va pas s'emballer dans une fuite en avant.
Philippe Randrianarimanana
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