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Egypte-Ethiopie: menace de guerre du Nil face caméra
Le régime a diffusé en direct une réunion où des responsables islamistes élaborent un plan de destruction du barrage éthiopien sur le Nil.
Les gaffes de l’opposition au sujet du barrage éthiopien sont une aubaine pour le président égyptien Mohamed Morsi. Plusieurs figures des partis adversaires des Frères musulmans —mais qui avaient accepté l’invitation présidentielle à une réflexion commune sur la réponse à apporter à la crise— ont suggéré des tactiques pour le moins osées: menacer l’Ethiopie de guerre, déstabiliser le pays grâce aux services secrets etc.
Le parti salafiste Nour a suggéré de soutenir des rebelles pour faire pression sur le gouvernement éthiopien. Un autre participant a conseillé la manière douce «de toute façon, tout s’achète, en Afrique».
Ayman Nour, opposant historique à Moubarak mais qui a perdu beaucoup de sa crédibilité, a proposé d’acheter davantage d’armement (avions) afin de faire passer le message en toute subtilité.
Guerre du Nil
Le chroniqueur Ibrahim Eissa, sur sa chaîne de télévision Tahrir, a décrit le spectacle comme «de l’incompétence mariée à un mépris et un racisme éhontés à l’égard de l’Afrique». Il est vrai que quelques jours plus tôt, l’ancien ministre des Affaires étrangères de Moubarak et ancien président de la ligue arabe, et actuel homme politique d’opposition, Amr Moussa, avait été jusqu’à envisager des mesures de rétorsion sur les bateaux éthiopiens traversant le Canal de Suez.
L’Egypte s’inquiète beaucoup des répercussions du barrage sur le niveau du Nil en Egypte —L’Egypte souffre déjà du manque de gaz et de pétrole, elle n’a pas besoin de manquer encore davantage d’eau… On place couramment le blâme sur la période Moubarak et Sadate, qui ont négligé le continent africain.
Mohamed Morsi, qui présidait les discussions, n’a pas réagi sur le coup aux suggestions. Il paraît que les Frères musulmans savaient que la rencontre était retransmise en direct, tandis que les opposants pensaient que la rencontre apparaîtrait en différé.
Une conseillère du président a présenté les excuses du gouvernement pour le malentendu et pour tout dommage causé à l’image des hommes politiques qui se sont exprimés… un peu tard. La présidence avait mis en ligne la réunion, mais la vidéo a été retirée de YouTube.
Le président, lui, a assuré que l’Egypte respectait l’Ethiopie et tenait à rester en bons termes avec son voisin. Il n’a pourtant condamné aucune des suggestions faites. Certains commentateurs suggèrent que si la présidence a oublié de prévenir de la diffusion en direct, ce n’était peut-être pas une erreur. Il n’en reste pas moins que le meeting n’a pas conclu grand-chose, et que les plus grands partis d’opposition avaient décliné l’invitation. Beaucoup de bruit pour rien —si ce n’est une énième preuve qu'avec l' opposition ou le gouvernement, on n’est jamais à l’abri de rien, et que les théories du complot ont encore de beaux jours devant elles en Egypte.
Sophie Anmuth
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