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Dans l'enfer des émigrées nigérianes
De nombreuses femmes nigérianes qui migrent en Europe aujourd’hui sont forcées à se prostituer dès leur arrivée. C'est le triste constat que fait un documentaire diffusé le 10 août sur la chaîne Al Jazeera, intitulé The Nigerian Connection.
Les journalistes Juliana Rhufus et Chiara Caprio ont enquêté sur le périple de ces femmes qui arrivent du Nigeria dans le ghetto de Destra Volturno, au sud de l’Italie, et se retrouvent immédiatement prisonnières de réseaux de prostitution organisés.
Destra Volturno est en effet sous la domination d’un réseau criminel nigérian depuis plusieurs années, en accord avec la mafia italienne locale. En 2008, des tueries avaient opposé les deux bandes qui se disputaient le territoire. Après un accord de cessez-le-feu entre les deux clans rivaux, certains groupes de la mafia nigériane ont développé un réseau de prostitution afin de payer la pègre italienne pour pouvoir continuer à pratiquer d'autres activités, comme le trafic de drogue.
«La prostitution des femmes nigérianes est tolérée par la mafia italienne, du moment qu’il peut y a voir de l’argent à la clé. Tant que la mafia nigériane paie pour ses activités illégales, tout est paisible. Mais si cet accord tacite est bafoué, c’est la guerre.»
L’engrenage de la prostitution commence dès lors que les émigrées nigérianes décident de partir pour l'Europe, car elles s’engagent alors pour la plupart dans un rite vaudou, «le serment Juju», qui les force à rembourser leurs dettes sous peine d’être punies de mort. Elles sont ensuite forcées à se prostituer dès leur arrivée pour rembourser leur traversée, au lieu du travail promis au moment de leur départ. Leurs dettes s'élèvent en moyenne à 35.000 euros, affirmait la police italienne en 2008.
The Nigerian Connection montre ainsi une ville divisée entre villas luxueuses —appartenant pour la majorité à la mafia nigériane— et quartiers miséreux, où les migrants sans-papiers sont, de gré ou de force, happés par le système. Si les hommes sont souvent exploités pour le trafic de drogue, les femmes nigérianes n’ont pas d’autre choix que la prostitution.
Selon Isoke Aikpitanyi, une ancienne victime de ce dispositif et aujourd’hui spécialiste de la condition des femmes nigériennes, l’Italie compte un réseau de plus de 10.000 mères maquerelles affiliées à la mafia, et qui gèrent le trafic en Italie ainsi qu'au Nigeria. Le New York Times signalait déjà en 2000 cette forme moderne d’esclavagisme.
Lu sur Al Jazeera