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Au Zimbabwe, on fait voter fantômes et centenaires
Conçues par le régime de Robert Mugabe, les listes électorales du Zimbabwe sont irrécupérables. C’est du moins ce qu’il ressort du rapport «Preventing Electoral Fraud in Zimbabwe» de l’Institut sud-africain pour les relations raciales (Sairr). Le professeur R.W. Johnson a obtenu et décortiqué les listes électorales du pays que le parti au pouvoir Zanu-PF conservait dans une certaine confidentialité.
Et l'on comprend pourquoi: le document est truffé d’électeurs au profil plus que douteux, dont un contingent de 41.119 centenaires. Difficile à croire dans un pays où l’espérance de vie à la naissance est de 49 ans (OMS, 2009).
A l’examen, les listes électorales zimbabwéennes (datées d’octobre 2010) présentent d'autres invraisemblances et incohérences. On découvre ainsi l’apparition de 1.490 centenaires nouveaux électeurs, c’est-à-dire jamais enregistrés auparavant. Au nombre de 132.500, les électeurs nonagénaires n’ont pas à rougir face à leurs aînés. Parmi ces derniers, 16.800 personnes partagent étrangement la même date de naissance, le 1er janvier 1901. Rien que dans le district rural de Zvimba, celui du vieux dictateur zimbabwéen, on dénombre 1.101 électeurs de 110 ans. Autre fait troublant: on relève 230 nouveaux électeurs mineurs, âgés d’une dizaine d’années pour certains, voire d’à peine deux ans pour les plus précoces.
Les listes électorales scrutées par le Sairr s’avèrent d’autant moins crédibles qu’elles sont basées sur les listes de 2008, dont le principal défaut est qu’elles contiennent 2,5 millions de personnes de plus que la population (estimée) du Zimbabwe. Pour le professeur Johnson, «ce vote fantôme est plus que suffisant pour faire basculer une élection». Néanmoins, 360.500 nouveaux électeurs les ont rejoints en 2010.
Selon une autre étude récente, réalisée par le Zimbabwe Electoral Support Network (ZESN), ces listes électorales gonflées s’apparentaient à «un registre des noms de personnes qui sont nées ou ont vécu dans le pays depuis 1900 —qu’elles soient vivantes, mortes ou qu’elles aient quitté le pays depuis longtemps», rapporte Zimonline. Selon le ZESN, 27% de ces personnes sont décédées.
L’état actuel des listes zimbabwéennes est d’autant plus inquiétant que le président Robert Mugabe veut procéder à une élection anticipée, ce qui remet en cause l’accord politique de 2008 conclu avec son Premier ministre Morgan Tsvangirai, et qui prévoit l’élaboration d’une nouvelle Constitution votée par référendum avant l’organisation de tout autre scrutin.