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La «guerre du Nil» relancée entre l'Egypte et l'Ethiopie
L'Éthiopie a décidé de détourner le cours du Nil bleu pour construire un barrage.
L’Égypte, un don du Nil. Cette formule de l’historien grec Hérodote remonte au Ve siècle avant notre ère. A cette époque, déjà, ce cours d’eau long de 6.700 kilomètres suscitait un vif intérêt. Des millénaires plus tard, le Nil n’a pas perdu de sa valeur, au contraire: il est au centre de rivalités géopolitiques.
La récente décision unilatérale de l’Ethiopie de détourner le cours du Nil bleu, l’un des deux principaux affluents du Nil, dans le cadre de son projet de construction du «Grand Barrage de la Renaissance», va pleinement dans ce sens. L’édifice d’une telle installation pourrait réduire le débit de l’eau vers Égypte, pays auquel le Nil bleu fournit 60% de l’eau fluviale.
«Que les Frères musulmans le veuillent ou non, la crise du Nil avec l’Ethiopie est le plus grand défi auquel fait face le président Mohamed Morsi. Pour de vrai. C’est le défi du Nil», prévient la blogueuse égyptienne Zeinobia.
Selon un rapport dont la blogueuse livre les points négatifs, le Soudan et l’Egypte seraient les grands perdants de l’histoire. Après s’être partagé le Nil pendant des décennies… Les accords de 1959, qui n’engageaient que le Soudan et l’Égypte, étaient jusqu’à aujourd’hui les seuls textes qui régissaient le partage des eaux du Nil.
L’Éthiopie, qui n’avait jamais reconnu officiellement la validité de ce traité, a toujours exigé une renégociation tripartite du partage des eaux provenant de son territoire (Nil Bleu, Atbara et Sobat). Ce qu’elle a récemment obtenu. La commission, composée d’experts égyptiens, éthiopiens et soudanais devraient rendre leurs conclusions à la fin du mois.
C’est seulement après la publication de ce rapport que les autorités égyptiennes sauront si oui ou non les barrages menacent l’approvisionnement en eau des pays qui se situent en aval. Le ministre éthiopien des Affaires étrangères, Gebre-Christos, a voulu rassurer les Egyptiens ce lundi 27 mai: le barrage sera exclusivement utilisé pour la production d’électricité et ne réduira en aucun cas le débit du Nil en Egypte.
Blog Culture d’Orient. Frédéric LASSERRE
Comme l’écrit la blogueuse, cette histoire n’est pas une mince affaire. Les trois pays concernés, et de surcroît l’Egypte, ont été marqués par un fort accroissement démographique, des crues du Nil en baisse, de fortes sécheresses, des instabilités politiques et économiques.
Depuis un demi-siècle, la croissante demande en eau a contraint des États à accroître leurs ressources, sans concerter leurs voisins. Le Moyen-Orient représente l’une des principales régions où l’eau constitue un enjeu géopolitique. Le cas du Nil n’est pas isolé. Je pense évidemment au partage du Tigre et de l’Euphrate entre la Turquie, la Syrie et l’Irak, le fleuve Litani entre Israël et le Liban, le Jourdain entre le Liban, la Syrie et la Jordanie, d’une part, et Israël d’autre part.
Nadéra Bouazza
Les billets du blog Nouvelles du Caire
Pour aller plus loin:
Revue Confluences Méditerranée, «Eau et pouvoir », Eté 2006, N°58
BOEDEC François, Revue « Afrique contemporaine », une approche politique du contrôle de l’ eau au Moyen Orient,Printemps 2003.
Géopolitique de l’eau au Proche Orient, Habib Ayeb, in Egypte/Monde arabe