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Les Egyptiens ne volaient pas de lecteurs DVD, eux
Les émeutes qui secouent la capitale britannique depuis quelques jours suscitent bien des commentaires sur les réseaux sociaux. Sur Twitter, les hashtags #londonriots et #UKriots permettent de suivre à la fois les événements, mais également le flot de réactions notamment des blogueurs égyptiens, remarquait le Guardian le 9 août 2011. Tout juste sortis de leur révolution, ils observent de près l’embrasement de Londres.
Le débat porte sur la violence des rapports qui opposent policiers et émeutiers, et l’inévitable lien avec les manifestations de la place Tahrir qui ont mené à la chute d'Hosni Moubarak en février dernier.
Mais ce n’est pas le sentiment de solidarité qui anime les blogueurs égyptiens, qui ne goûtent pas la comparaison. La blogueuse @Zeinobia a publié sur son site Egyptian Chronicles un post dénonçant les violences des émeutiers londoniens et les nombreux pillages:
«Je comprends quand le peuple s'attaque au QG du parti au pouvoir, comme en Egypte ou en Syrie, mais je ne comprends pas quand des maisons ou des magasins qui appartiennent à des particuliers sont détruits, brûlés ou pillés»
Simon Hanna, un reporter anglo-égyptien n’apprécie pas non plus que l'on compare les émeutiers londoniens avec les révolutionnaires égyptiens, mais admet que dans les deux cas, l’inégalité ne peut être ignorée et s’interroge sur Twitter sur ce qui amène les jeunes anglais à manifester.
Mais interviewé par le Guardian, il se révèle plus tranché, avouant que pour lui, «c’est insultant de comparer la révolte égyptienne qui a eu lieu pour des raisons entièrement politiques et les jeunes démunis en colère qui volent des baskets. […] ces émeutiers sont des opportunistes inconscients mais leurs actions peuvent pousser la société anglaise à réfléchir».
D'autres ironisent ouvertement, comme @mosaaberizing qui souligne le choc culturel:
(«Egyptiens et Tunisiens ont vengé Khaled Said et Bouazizi en faisant tomber de manière pacifique leurs régimes meurtriers, pas en volant des lecteurs DVD.»)
Son point de vue semble être partagé par d’autres sur Twitter, même des non-Egyptiens comme l’Anglaise @mslulurose, qui ironise sur les motivations des manifestants:
«La jeunesse se soulève pour des libertés et les droits fondamentaux. La jeunesse de Londres se soulève pour un écran plasma.»
Face à ces remarques, certains blogueurs ont répliqué farouchement, accusant les commentateurs de généraliser les violences et de condamner trop rapidement les manifestants.
Un journaliste du New York Times relaie sur son blog la voix de Sarah Carr, une blogueuse égyptienne originaire de Croydon, dans la banlieue de Lodnres, où ont eu lieu certaines des émeutes. Celle-ci offre dans son article «Love me, I’m a looter» (Aimez-moi, je suis un pilleur) un point de vue plus nuancé, décrivant la misère d’une banlieue dans laquelle elle a vécu pendant dix ans.
Frustrée d’observer la situation depuis l’Egypte, où elle a déménagé en 2003, elle déplore également que les médias n’aillent pas davantage voir du côté des émeutiers. Une critique soutenue par d’autres blogueurs comme @mosfasa, qui compare la couverture de la BBC à celle de la télévision égyptienne pendant la révolution de janvier.
Si la blogosphère égyptienne réfute tout amalgame avec leur révolution, elle ne peut s’empêcher de trouver un certain écho dans les émeutes londoniennes. Malgrè leur indignation face à la comparaison, certains semblent oublier que la révolte égyptienne ne s'est pas non plus faite sans dérives et pillages dans les premiers jours qui ont suivi le 25 janvier. Le vol de plusieurs musées du Caire et de tombes avait été signalé.
Mieux vaut alors adopter l'attitude plus neutre de ceux qui continuent de se moquer gentiment des émeutiers, comme le blogueur @TheBigPharaoh, qui propose de les faire venir aux sit-ins de la place Tahrir pour les lâcher sur les militaires:
Lu sur le Guardian, The New York Times, CNN