SlateAfrique

mis à jour le

Les noms noirs et blancs des villes sud-africaines

Si vous voyagez en Afrique du Sud, mieux vaut être équipé d’une carte routière récente ou d'un GPS que vous n'aurez surtout pas oublié de mettre à jour. Autrement, vous pourriez chercher pendant longtemps votre destination. Car les autorités ont entrepris depuis quelques années rebaptiser les noms de certaines villes du pays.

Lydenburg, au nord-est de la capitale Pretoria, a changé de nom il y a cinq ans. Mais le quotidien national The Mail & Guardian s’étonne qu’hormis un panneau de signalisation à l’entrée de la ville annonçant fièrement «Bienvenue à Mashishing», rien n'a changé. Tout ici affiche encore l’ancien nom de la commune: le commissariat, le bureau de poste, les écoles, les musées et même les publicités pour les commerces de la ville.

Cette confusion ambiante n’est pas le seul fait de la force de l’habitude —l'histoire y est pour beaucoup. Le nom de «Lydenburg» est hérité des premiers colons hollandais qui ont fondé la ville en 1850. Il signifie «ville des souffrances» en afrikaans, en hommage à leurs camarades décimés par le paludisme. Alors que «Mashishing», qui signifie «les hautes herbes», est un mot sotho, le dialecte traditionnel du nord de l’Afrique du Sud.

L’opération est vécue par certains comme un véritable hold-up sémantique difficile à accepter:

«La tendance dans ce pays est de faire disparaître les noms des blancs, coûte que coûte», regrette Gerard van de Water, propriétaire d’un magasin d'antiquités.

«C'est comme toutes les villes en Afrique du Sud; ils ont été changés pour des noms de noirs», ajoute Elzebe Brits, libraire.

Mais la bataille toponymique se transforme peu à peu en bataille historique:

«Nous savons que cette zone était déjà occupée autour de 1650, note Jean-Pierre Celliers, conservateur du musée de Lydenburg. Il faut redéfinir qui a le droit d’avoir un patrimoine dans ce pays», ajoute-t-il.

Le cas de la capitale Pretoria, nommée ainsi en hommage au général boer Andries Pretorius, reste irrésolu. Face à la férocité du débat, l'ANC, le parti au pouvoir, a renoncé en février 2010 à rebaptiser la ville «Tshwane», son nom sotho.

Dans la province septentrionale du Limpopo, où les changements toponymiques ont commencé très tôt, seuls les services postaux utilisent encore les anciens noms. A l'inverse, à Mahikeng, chef-lieu de la province nord-ouest du pays, personne ne s’est aperçu de la modification —hormis le service météorologique.

Lu sur The Mail & Guardian