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Mogadiscio, ville fantôme

Toits effondrés, façades décrépies, murs criblés d'impacts de balles… Mogadiscio, la capitale somalienne, désertée le week-end du 5-6 août 2011 par la plupart des shebab qui y semaient la terreur, offre un bien triste spectacle à quiconque s’aventure dans son cœur ravagé par des années de guerre.

Massimo A. Alberizzi, journaliste italien spécialisé depuis la fin des années 70 dans les conflits frappant la Corne de l'Afrique, s’est pourtant risqué à pénétrer dans cette ville fantôme pour un reportage vidéo inédit publié le 9 août 2011 sur le site italien du Corriere della Sera:

«Aucun journaliste occidental n’est venu dans cette zone depuis au moins cinq ans», assure-t-il. «Ici, nous sommes dans le quartier de Bondere. Mieux vaut ne pas descendre de la voiture, car il pourrait encore y avoir des snipers embusqués.»

Bondere est situé dans l’hypercentre de Mogadiscio, accolé au palais présidentiel. C’est cette position stratégique qui avait poussé les terroristes shebab à y établir leurs quartiers des années durant. Aujourd’hui, la piste qui fait office de route est parsemée de nids de poule, crevasses laissées par des mines et autres engins explosifs:

«Le quartier de Bondere, central et à deux pas de Villa Somalia —la résidence présidentielle— a été soumis à d’intenses bombardements qui l’ont réduit à un amas de décombres. […] de cet endroit, [les shebabs] pouvaient lancer des offensives contre le palais présidentiel. Mais c’était aussi le refuge des gangs de voleurs et de bandits qui erraient dans la capitale.»  

Le journaliste continue sa progression dans la capitale, décrivant les vestiges d'une ville qu’il a longtemps parcouru: ici une ancienne école, là un cabinet médical. Les shebab n'ont plié bagages que depuis quelques jours, donc prudence et vigilance sont de rigueur. Une des raisons pour lesquelles Alberizzi a ajouté à sa garde personnelle des miliciens du groupe Ahlus Sunnah wal Jamaah, ennemis jurés des shebab, ces derniers ayant «détruit et vandalisé leurs mosquées et les tombes de leurs guides».

 Sur le bord de la route, des femmes voilées et des enfants émergent de tentes installées sur les gravas, curieux de voir passer le convoi, l’un des premiers à pénétrer dans le quartier après la déroute des shebab sous l’assaut des forces de l'Union africaine.

La vaste offensive lancée par l’Amisom (Mission de l’Union africaine en Somalie) fin juillet s'est achevée le 6 août dernier, date à laquelle le président somalien Sharif Sheikh Ahmed a annoncé officiellement la fuite des terroristes islamistes de Mogadiscio.

«L’Amisom contrôle désormais 85% de la capitale déchirée par la guerre […] Gen Aronda [le chef des forces de défense, ndlr] met toutefois en garde les soldats contre les terroristes, susceptibles de riposter par des attaques-suicide», signale néanmoins le site du journal ougandais The Observer.

Alberizzi tente de rejoindre l’ambassade italienne, fermée depuis 1993:

«Nous avons dû faire marche arrière et changer de route car des personnes nous ont averti de la présence de mines antichars. Une voiture a d’ailleurs explosé une centaine de mètres devant nous. Nous n’avons rien vu, seulement entendu l’explosion», raconte-t-il.

Vu sur Corriere della Sera, lu sur The Observer