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Côte d'Ivoire - Requiem pour la rue Princesse

Qui dit rue Princesse, dit nuits enfiévrées dans le quartier de Yopougon, à Abidjan. Ou plutôt disait, car une décision ministérielle a ordonné la destruction du lieu à coup de bulldozer. Le week-end du 5 août 2011, la capitale économique s'est vue amputée de son haut lieu de la fête à Abidjan:

«Qui en Afrique francophone n’a pas entendu parler de la rue Princesse? En Côte d’Ivoire, on dit souvent à l’étranger de passage qu’il ne connaîtra pas vraiment Abidjan s’il n’a pas goûté l’ambiance déjantée de ce rendez-vous des fêtards», se souvient le journaliste Christophe Champin.

Et pour cause: la rue mythique s’étendait sur deux kilomètres de long, déroulant une vaste succession de discothèques, maquis (restaurants typiquement ivoiriens), bars… Un rendez-vous incontournable de fête pour certains, débauche pour d’autres.

«Sur des terrasses géantes, chaque échoppe avait sa sono tonitruante, hurlant les derniers tubes de “coupé décalé“ ou de “zouglou“, tandis que les “DJs“ rivalisaient d'adresse au micro.»

De nombreuses personnalités s’y arrêtaient, parmi elles le célèbre footballeur ivoirien Didier Drogba ou encore Jack Lang, ancien ministre français de la Culture et de l'Education, qui s’était rendu dans une discothèque le 29 mars 2008 en compagnie de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo.

Loin d’être l’apanage des «grands» de ce monde, la rue Princesse, «où une multitude d'artistes se produisaient dans les cabarets, était aussi le rendez-vous incontournable de la culture populaire urbaine ivoirienne».

C’est dans le cadre d’une opération «pays propre» initiée par Anne-Désirée Ouloto, ministre ivoirienne de la Salubrité urbaine et surnommée depuis «Maman Bulldozer», que la rue Princesse a dû être rasée. La prostitution et l’insalubrité sont parmi les motifs avancés pour justifier une telle décision, bien que les commerçants y exerçant ne soient pas de cet avis. Le propriétaire d’un maquis de la rue n’a pas caché son désarroi auprès du micro de RFI:

«C’est une rue lumineuse, merveilleuse, extraordinaire, où il y avait de la joie […] La rue Princesse a beaucoup contribué à instaurer la paix en Côte d’Ivoire. C’est vrai que nous les Ivoiriens, nous n’aimons pas la violence. Après la guerre, on a vu que tout le monde s’est retrouvé dans la rue Princesse, et beaucoup se sont réconciliés dans la rue.»

Un film avait d’ailleurs été tourné en 1993 dans la rue mythique par le cinéaste guinéen Henri Duparc.

Lu sur RFI