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L'Afrique a les boules dans la peau
La pétanque a gagné ses lettres de noblesse sur le continent noir, mais souffre toujours d'un manque de moyens, notamment face au ballon rond.
Mise à jour du 7 juin: Madagascar a conservé son titre en battant le Maroc en finale par 13-8 lors des 3e championnats d'Afrique des nations de pétanque à Yaoundé, au Cameroun. Le pays hôte a terminé à la troisième place devant la Tunisie. En tir de précision, le Maroc est devenu champion devant le Sénégal. Les dix pays africains qualifiés pour les prochains championnats du monde sont: Algérie, Bénin, Cameroun, Côte d’Ivoire, Guinée, Madagascar, Mali, Maroc, Sénégal, Tunisie.
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«Tu tires ou tu pointes?» En sport-boules, les Africains jouent dans la cour des grands. L’élite bouliste africaine s’affronte du 3 au 5 juin 2011 à Yaoundé, la capitale camerounaise, pour les troisièmes championnats d’Afrique des Nations de pétanque. La compétition est d'autant plus disputée que dix équipes africaines pourront y décrocher leur billet pour les 46e championnats du monde qui se dérouleront en 2012 à Marseille, capitale culturelle de la pétanque.
«La pétanque africaine se situe à un très haut niveau», confirme Philippe Tronche. Ce Français, directeur technique national (DTN) et entraîneur de la sélection du Cameroun sait que la compétition est rude à Yaoundé. «Tous les gros bras d’Afrique sont là.»
Sur 24 équipes annoncées, 18 ont confirmé leur participation, parmi lesquelles la Tunisie, le Maroc, l’Algérie ou encore Madagascar. Ces nations ont déjà inscrit leurs noms aux plus hautes marches de la pétanque mondiale. Avec quatre titres chacun pour la Tunisie et le Maroc et trois pour Madagascar, ces trois pays figurent dans le top dix du palmarès mondial (PDF).
Boules contre ballon rond
Sport centenaire né dans le sud-est de la France, il y a longtemps que la pétanque a traversé les rives de la Méditerranée pour pénétrer le continent africain. Les boules ont atterri en Afrique dans les bagages des missionnaires et colons.
«J’ai découvert la pétanque au Cameroun quand j’étais petit. C’était du temps de la colonisation. Je regardais les Européens jouaient aux boules», raconte Parfait Ndjock.
Ce n’est que bien plus tard, en 2000, qu’il a créé avec des amis expatriés la Fédération camerounaise de pétanque et disciplines assimilées (Fecapeda) qui aujourd’hui accueille les championnats d’Afrique.
Organiser une telle compétition internationale, «ce n’est pas une mince affaire», reconnaît Ibrahima Idrissou, le président de la Confédération africaine de sport-boules (Casb) qui siège à Cotonou, au Bénin. Celui-ci a fait le déplacement à Yaoundé où la Casb doit tenir son Assemblée générale pour renouveler ses instances dirigeantes. Tout en félicitant ses hôtes camerounais pour leur accueil, Ibrahima Idrissou est bien conscient que le sport-boules africain souffre d’un déficit chronique de moyens et ne manque pas d’interpeller les autorités du pays pour soutenir et favoriser le bon déroulement de la compétition. «En Afrique, la pétanque est un sport orphelin», regrette-t-il.
Outre l’absence de sponsors, la pétanque africaine est confrontée à la concurrence du sport roi du continent: le football. Alors, pour donner de la visibilité à la pétanque et faire en sorte que les gouvernements africains prennent ce sport au sérieux, elle s’est dotée de sa propre CAN, sa Coupe d’Afrique des Nations, comme au foot.
«En Afrique, le gros problème c'est qu’il faut se battre avec les autorités et le ministère des Sports, car le football accapare tout», témoigne Philippe Tronche.
Le secret de la réussite passe par la confrontation régulière avec des compétiteurs de rang international. Mais il faut beaucoup de moyens pour participer à des tournois à l'étranger. Une autre option consiste à organiser un tournoi international à domicile, ce qui est notamment le cas en Tunisie, au Maroc et à Madagascar. La Grande Île aura même l'insigne honneur d'accueillir la première Coupe des confédérations en octobre 2011. Le Sénégal a lui organisé les premiers championnats du monde de pétanque sur le continent africain, en 2008 à Dakar.
Un sport francophone et francophile
De fait, la pétanque en Afrique est surtout développée dans les pays francophones qui ont hérité de ce sport pratiqué par de nombreux expatriés français, colons puis coopérants. Le nombre de boulistes recensés par la Fédération internationale de pétanque et jeu provençal (FIPJP) en 2009 confirme cette empreinte: la quasi-totalité des licenciés africains viennent d’Afrique francophone. Mauritanie, Burkina Faso, Bénin, Niger, Guinée, Mali, Congo Brazzaville, Côte d’Ivoire, Sénégal, Gabon, Comores. Véritable terre de pétanque, le Maghreb occupe une place de choix sur le continent, avec au sommet la Tunisie, qui rassemble le plus beau palmarès. Quant à l’Algérie et le Maroc, ils font partie des plus grosses fédérations au monde avec plus de 10.000 licenciés.
Avec à peine plus de 900 personnes, Madagascar affiche un nombre modeste de boulistes licenciés, mais cela n’empêche pas la Grande Île de briller dans les compétitions internationales. Vainqueurs à Tunis en 2009, les Malgaches sont les champions d’Afrique en titre et vice-champions du monde, après avoir perdu en finale contre la France à Izmir, en Turquie, en 2010. Au tableau des médailles, la France a une bonne longueur d'avance sur toutes les autres nations de pétanque. Mais pour le président de la Casb, Ibrahima idrissou, «il n'y a pas de rivalité particulière avec la France, le pays leader. Nous travaillons à ses côtés pour développer ce sport».
Pratiquée à tous les âges, la pétanque africaine regorge de talents. Mais au-delà de son déficit de reconnaissance continentale et malgré ses résultats internationaux, le développement de la pétanque est limité par le coût élevé des boules elles-mêmes, qui viennent de l'extérieur. Tout en gardant l'espoir d'un sponsor de marque pour leur discipline, les cadres de la pétanque africaine lancent un appel à la générosité des expatriés pour qu'ils laissent leurs boules sur le continent. Elles pourraient y vivre une seconde vie et rencontrer un succès inouï.
Philippe Randrianarimanana