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Nollywood Week, pour que Paris regarde le cinéma nigérian autrement
Le cinéma nigérian est l'un des moins connus des Français. Mais, peut-être plus pour longtemps.
Il n’y a pas qu’Asa, la chanteuse nigériane née à Paris, qui lie la France au Nigeria. Car l’Hexagone a maintenant son propre festival du cinéma nigérian, la Nollywood Week, dont la première édition, du 30 mai au 2 juin, présente sept productions made in Nigeria, toutes inédites en France.
Aux commandes de ce festival inattendu, Serge Noukoue, qui a déjà œuvré pour la connaissance du cinéma français au Brésil, et sa bande d’afficionados de films estampillés «Naija». Parmi les milliers de productions qui inondent le marché nigérian chaque année, un grand nombre de «films jetables».
Les organisateurs du festival ont donc extirpé, au gré de voyages au Nigeria et de rencontres avec les cinéastes et les producteurs, sept petites «perles». Des films qui ont en commun d’avoir été des succès commerciaux au Nigeria et de posséder les qualités techniques et narratives pour intéresser le public français.
Au programme, «une diversité dans les thèmes et le genres», résume Serge Noukoue. Le choix s'est, entre autres, porté sur Inalé, une comédie musicale qui suit les amours contrariées de la fille du roi du peuple Idoma, ou sur le bien moins léger Man on Ground, drame traitant de xénophobie en Afrique du Sud. Dans Last Flight to Abuja ("Aller sans retour"), un énorme succès au Nigeria en 2012, le réalisateur Obi Emelonye, dont la présence au festival est espérée, met, quant à lui, en scène une catastrophe aérienne.
Si ces films ont ravi le cœur des Nigérians, ils sont inconnus en France, au contraire des pays anglo-saxons qui accueillent une forte diaspora nigériane. «Notre festival ouvre donc aux réalisateurs nigérians un nouveau marché qui leur était jusqu’ici fermé, notamment à cause de la barrière de la langue», explique Serge Noukoue. Les films choisis seront diffusés pour la première fois avec des sous-titres français.
New Nollywood
Encore très jeune, l’industrie de Nollywood a déjà ses classiques, comme le célèbre Osuofiya in London, une fable grotesque sur les pérégrinations d’un Nigérian à Londres. Deuxième industrie cinématographique du monde après Bollywood ; deuxième employeur du Nigeria «après l’agriculture», le cinéma nigérian pourrait bien aider le pays à se défaire de la mauvaise image qui lui colle à la peau.
On dit souvent que le succès des films nigérians repose sur quatre facteurs: une production intensive de films à très petits budgets, l’autofinancement, un commerce de DVD piratés et une audience locale très large. Mais l'industrie change aussi à toute vitesse, s’orientant par exemple vers les sorties en salles, une dynamique liée à l’augmentation des classes moyennes, en décalage complet avec le phénomène de fermetures de salles que l’on retrouve dans les pays d'Afrique francophone. Les budgets des films sont aussi tirés vers le haut, et avec eux la qualité technique. Le gouvernement propose même, depuis peu, des financements. Ces évolutions ont mené les experts à forger l'expression «New Nollywood».
Nollywood Week est justement un panorama de cette sorte de «nouvelle vague» nigériane.
«Avec ce festival, nous avons eu envie que ce cinéma ne soit pas juste connu pour ses films de mauvaise qualité mais aussi pour ses bonnes productions, explique Serge Noukoue. Car Nollywood est en train de changer. Nous voulions étendre la notion de Nollywood. Le cinéma nigérian est en perpétuelle évolution. L’idée est de mettre en avant les films qui ont dépassé les limites de Nollywood, tout en restant des films nigérians (...) Nous voulons aussi faire bouger les lignes en ce qui concerne le regard que les Français peuvent parfois porter sur ce cinéma.»
Et, qui sait, permettre des rencontres qui mèneront à de futures collaborations franco-nigérianes...
Lou Garçon