SlateAfrique

mis à jour le

François Fillon minimise la vente d'armes françaises à la Libye

«La France n'a jamais eu une coopération d'ampleur avec la Libye en matière de défense et d'armement, par comparaison à d'autres fournisseurs plus importants […] La France ne peut pas être considérée comme un fournisseur important d'armement de la Libye.»

C'est ce qu'a répondu le Premier ministre français François Fillon le 26 juillet 2011 à une question écrite de Jean-Jacques Candelier, député de la région Nord.  

Si la France dément officiellement être ou avoir été un «fournisseur d’armement important» vers la Libye, les chiffres tendent à prouver le contraire: à savoir qu’elle aurait fait partie des premiers pays européens à fournir du matériel de guerre à Mouammar Kadhafi.

«Avec 72 millions [d'euros] de matériel militaire livré à la Libye entre 2008 et 2009, la France est sur la troisième marche du podium européen, après Malte (80 millions) et l’Italie (74,5 millions).

Un gouffre sépare le trio de tête des suivants; le montant des livraisons du quatrième exportateur européen, le Portugal, ne s’élevant qu’à 11 millions d’euros», affirme ainsi le site d’information français Owni.

Même chose pour la délivrance d’autorisations d’exportation de matériel de guerre (AEMG): de 2005 à 2009, la France arrive en deuxième exportateur européen après l’Italie, le tout pour un montant de 210 millions d’euros.

Et ce ne sont pas non plus les commandes de la Libye qui pourraient exempter la France d’avoir été un interlocuteur privilégié de Kadhafi pour le commerce de l’armement, en particulier après sa venue à Paris en 2007:

«Selon le rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France, publié tous les ans par le ministère de la Défense, les prises de commande libyenne d’armement français se chiffrent à 316 millions d’euros entre 2007 et 2009, dont 296 millions passées en 2007, année de libération des infirmières bulgares et de la visite de Kadhafi à Paris. C’est ainsi que la France, deuxième ou troisième exportateur européen d’armes à la Libye, "ne peut pas être considérée comme un fournisseur important d’armement de la Libye"…»

Rappelons que la France n’autorise plus depuis le 17 février 2011 l’exportation de matériel de guerre vers la Libye, et a ratifié le 26 février 2011 la résolution 1970 de l’ONU sur l’embargo des armes:

«Nous avons immédiatement tiré les conséquences de l'implication inacceptable d'éléments de l'armée libyenne dans la répression contre la population en suspendant les procédures d'exportation en cours dès lors que des éléments armés ont été impliqués dans la répression», conclut ainsi le Premier ministre Fillon dans son rapport.

La répression n'existait-elle pas déjà avant la révolution libyenne? Le 23 juin 2010, l’ONG Amnesty International avait publié un rapport fracassant sur la répression et la violation des droits de l’homme opérés par le régime libyen en toute impunité. RFI avait repris à ce propos Hassiba Hadj Sahraoui, chercheuse à Amnesty International:

«Il y a des forces de sécurité, notamment la sécurité intérieure, qui n’ont aucune obligation de rendre des comptes, qui ont des pouvoirs absolus, qui sont omniprésentes. L’omnipotence des forces de sécurité, notamment de la sécurité intérieure, doit cesser.»

Malgré le code de conduite ratifié par l'Union européenne le 5 juin 1998 en matière d'exportation d'armements dont l'un des critères fondamentaux concerne «le respect des droits de l’homme dans le pays de destination finale», la France n'avait pas pour autant mis un terme à ce commerce.

Lu sur Owni,  Assemblée nationale, RFI