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Guinée équatoriale - Le pétrole plus rentable que les droits de l'homme

Si les Etats-Unis ont récemment tourné le dos à plusieurs dictatures d’Afrique, notamment au Maghreb, leur attitude est plus ambiguë vis-à-vis d’autres pays autoritaires, moins sous le feu des projecteurs médiatiques. C’est le cas en particulier avec la Guinée équatoriale, indique The New York Times

L’objet du désir pas si obscur des Etats-Unis pour ce petit pays d'Afrique centrale est bien entendu le pétrole. Quatrième exportateur d’or noir du continent, la Guinée équatoriale est souvent critiquée pour ses manquements aux droits de l’homme. Son président, Teodoro Obiang Nguema, est un dictateur notoire, qualifié de «prédateur de la liberté de la presse» par l’organisation Reporters sans frontières.

Mais les compagnies pétrolières américaines comme Chevron, Marathon Oil et Noble Energy se soucient peu des droits de l’homme et investissent des milliards de dollars en Guinée équatoriale. En 2009, des câbles diplomatiques révélés par WikiLeaks mettaient à jour la vision américaine: un diplomate y faisait état du «leadership serein et bienveillant» d’Obiang, au pouvoir depuis plus de 30 ans.

Une entreprise militaire intimement liée au Pentagone, la Military Professional Resources Inc. (MPRI), a signé un contrat de plusieurs millions de dollars l’engageant à protéger les côtes équato-guinéennes, afin d’empêcher toute tentative de coup d’Etat venant de la mer (la capitale, Malabo, est située sur une île), rapporte le quotidien américain. La MPRI est également chargée d’entraîner les forces nationales. Cet entraînement comporte un volet droits de l’homme, mais malgré cette «initiation» les Nations Unies, les organisations internationales ainsi que les opposants politiques font état de pratiques de torture systématiques.

Le Département d’Etat américain avait jusqu'en 2005 opposé son veto pour ll’implantation de la MPRI en Guinée équatoriale à cause du non-respect des droits de l’homme, avant de céder sous le gouvernement Bush lorsqu'Obiang avait promis de mettre en place des réformes. Des réformes qui n'ont toujours pas vu le jour.

Jusqu’en mars dernier, Lanny J. Davis, un ancien conseiller de Bill Clinton, avait un contrat d’un million de dollars par an pour redorer l’image d’Obiang. Car selon lui, le président souffre de son image peu flatteuse: «Il se sent très vulnérable, sans aucun ami.»

Pour l'organisation internationale Freedom House la Guinée équatoriale fait partie des pires régimes répressifs du monde aux côtés de la Libye, de la Birmanie ou du Turkménistan.

Plácido Micó, avocat et unique député de l’opposition, a été arrêté à de nombreuses reprises:

«N’importe quel policier peut arrêter n’importe quel citoyen, n’importe quand. La torture est une chose très courante», déclare-t-il.

Le mois dernier, des opposants politiques ont été arrêtés pour avoir collé des affiches appelant à manifester contre Obiang.

Pourtant, les Etats-Unis font ce qu’ils peuvent pour mettre à bas l'image désastreuse de ce pays et affirment que «la situation s’améliore» malgré les inégalités croissantes entre une élite proche du pouvoir et le commun de la population, touchée par une pauvreté endémique. 77% vit en dessous du seuil de pauvreté, affirme l'ONG Human Rights Watch, et la mortalité infantile n’a pas cessé d’augmenter depuis la découverte de réserves pétrolières dans les années 1990, affirme la Banque mondiale.

Lu sur The New York Times