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Abdelaziz Bouteflika, Alger, janvier 2013 / REUTERS
Abdelaziz Bouteflika, Alger, janvier 2013 / REUTERS

Nos présidents ne sont pas immortels

La raison d'Etat ne peut plus être une excuse pour entourer leur santé de tant de mystères.

Dans de nombreuses écoles philosophiques et de sagesse, on enseigne cette idée capitale: la seule chose qui est propre à chaque être humain, qui lui appartient en propre, c’est sa propre mort.

Les Grecs ont été les premiers, notamment avec Platon et Aristote, à nous avoir habitué à leur syllogisme:

«Tous les hommes sont mortels, Socrate est un homme, donc Socrate est mortel.»

Malheureusement, dans le monde en général, et dans les pays dits du tiers-monde en particulier, les mystères, silences et tabous qui entourent l’état de santé des chefs d’Etat, finissent par véhiculer cet étrange sentiment qu’ils sont «immortels».

Depuis le 27 avril 2013, Abdelaziz Bouteflika, le président algérien, est hospitalisé, en France. Et, c’est tout le peuple algérien qui retient son souffle, il se prépare à une longue attente. Mais jusqu’à quand?

L'habitude de l'angoisse

Rappelons que depuis l’indépendance de l’Algérie et l’accession de ce pays à la souveraineté, la question de la santé de tous ceux qui ont présidé aux destinées de ce pays a été, est et demeure une source d’angoisse existentielle profonde.

Hormis Mohammed Boudiaf, assassiné en direct, comme dans un jeu vidéo, le peuple algérien, de Ben Bella à Bouteflika, en passant par Houari Boumedienne et Chadli Bendjedid, ainsi que Liamine Zeroual, n’a cessé de végéter dans un flou total concernant la santé de ses présidents.

Or, il faut reconnaître que la santé des chefs d’Etat, parce qu’elle affecte l’image et les intérêts vitaux d’un pays, est une question autant émotionnelle que rationnelle.

Et l’exercice du pouvoir en tant que tel paraît mettre nos chefs d’Etat mondiaux, mais plus encore ceux des pays arabes et d’Afrique subsaharienne, en contact avec des forces ou des processus qui les dépassent.

C’est toute la dimension irrationnelle, magique et démoniaque du pouvoir qui se trouve ainsi posée. Pourtant, l’état de santé d’un chef d’Etat en exercice ne peut rester une affaire essentiellement apolitique. C’est le devoir fondamental de tout Etat géré démocratiquement, de manière républicaine, d’informer les citoyens en partie sur la santé de ceux ou celles qui les gouvernent.

L'illusion de la transparence

Evidemment, il ne faut pas rêver. Car le rêve d’une transparence absolue sur la vie et le fonctionnement de tout Etat peut vite se transformer, comme l’avait si bien vu Hannah Arendt, en un phénomène totalitaire. Méfions-nous donc de ceux et celles qui exigent une transparence totale, absolue sur la santé des chefs d’Etat. Cela dit, maintenant que la guerre froide est finie, les peuples s’attendaient à une gestion plus transparente de la question de l’état de santé des chefs d’Etat.

En Algérie, on a vite fait de renouer avec les vieux réflexes staliniens et poutiniens, en empêchant la diffusion de journaux, juste parce qu’ils veulent informer le peuple algérien sur l’état de santé du président Bouteflika. A l’heure actuelle, disons-le net: «Boutef» est incapable de prendre encore de grandes décisions stratégiques concernant le présent et l’avenir de son pays.

Mais l’environnement politique de l’Algérie reste primitif, une approche villageoise du pouvoir coexistant ici avec une structure militaro-étatique toute puissante. C’est encore la fameuse raison dite d’Etat qui continue à inspirer la gestion du pays en deçà et au-delà de ses frontières. Ce pays n’a jamais connu une culture démocratique, encore moins des gouvernements légitimes.

L'obsession de l'éternité

Mais là où le bât blesse, c’est qu’ayant fait le choix de l’indépendance et d’une souveraineté étatique jalouse, l’Algérie accepte que son président aille se soigner dans un hôpital de l’ancien colonisateur. Comme si la guerre d’Algérie avait été, politiquement, une erreur historique.

L’indépendance a un prix, exige vision et sacrifices. Sans hôpitaux dignes de ce nom pour soigner le premier des Algériens, n’ayons pas peur des mots, l’indépendance algérienne est un échec patent. En disant cela, il ne s’agit pas ici de céder à un certain révisionnisme historique tendant à rejeter le choix du peuple algérien d’être indépendant, sous le prétexte pervers que ses élites dirigeantes ont échoué à lui apporter la prospérité économique et le progrès social.

En règle générale, les chefs d’Etat sont obsédés par leur immortalité. Mais comment se fait-il que personne n’arrive jamais à leur faire comprendre qu’ils ne sont pas immortels? Non, «Boutef», tu n’es pas un homme immortel, invulnérable. Certes, le peuple algérien t’admire. Mais attention: trop d’admiration tue l’objet de l’admiration. Nelson Mandela l’a bien compris, lui, le plus grand héros africain contemporain encore vivant.

Le Pays

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Le Pays. Le plus lu des quotidiens du Burkina Faso.

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