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Les maux croisés de l’Union africaine
L’Union africaine a célébré le 25 mai son anniversaire et son... impuissance et ses vœux pieux. Bilan en quelques maux qui minent l’intégration sur le continent. Dessin et texte inédits du dessinateur burkinabè Damien Glez.
Il est permis de se demander si la journée de l’Union africaine (UA) du 25 mai est une célébration ou une commémoration. Que retenir depuis la création, il y a quarante-huit ans, de l’Organisation de l’unité africaine (OUA)? D’une part, des discours truffés de mots creux et, d’autre part, beaucoup de noms tabous. Comment croiser ces maux? Faut-il en rire ou en pleurer? Mieux vaut en jouer:
1 (en 3 lettres): Peu illustre ancêtre de l’actuelle Union africaine, créé le 25 mai 1963 sur les fondations de l’Union des Etats d’Afrique, la confédération élaborée par Kwame Nkrumah; dédié à l'éradication du colonialisme mais caractérisé par l’immobilisme et les allocutions soporifiques.
2 (en 6 lettres): Ecorégion aussi désertique que le bilan de l’UA, menacée aujourd’hui par un terrorisme islamique crapuleux; quand elle se fait «occidentale», voire sahraouie démocratique, elle donne de l’urticaire à un royaume maghrébin dont le boycott de l’UA hypothèque de fait l’idée d’union.
3 (en 8 lettres): Manque de ressources financières pour une organisation dont 34 membres (sur 53) ont des arriérés dans leurs cotisations annuelles. En 2010, la commission de l'UA a reçu 80,4 millions de dollars (56,6 millions d'euros) au titre des contributions pour l'année et 30 millions constituent l'assiette des arriérés depuis 2009.
4 (en 12 lettres): Excès de paperasse, de procédures administratives et de protocole qui ankylose l’organisation.
5 (en 4 lettres): Actuel président de la commission de l’Union africaine. Echappe aux scandales sexuels dans les palaces, mais pas aux autres, comme en 2002, quand il «égara» plus de 320.000 euros dans sa chambre de l'hôtel de luxe Meurice à Paris…
6 (en 6 lettres): Chef de l’Etat soudanais qui joue tantôt les agneaux, tantôt les loups, et qui gêne aux entournures une Union africaine qui a du mal à l’interpeller, quand bien même il est sous le coup d’un mandat d’arrêt international de la Cour pénale internationale dont sont membres la majorité des Etats de l’UA.
7 (en 4 lettres): Président sud-africain polygame qui change d’avis comme d’épouse dans les médiations qu’il entreprend; prochaine en date: la Libye…
8 (en 6 lettres): Imprévisible Zimbabwéen, le plus âgé des chefs d'Etat d'Afrique en exercice.
9 (en 6 lettres): Gênant président en exercice de l'Union africaine, celui-là même dont la générosité fait peur à l’Unesco…
10 (en 7 lettres): Guide de la Révolution de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste qui arrosa de pétrodollars des chefs d’Etat africains avant d’arroser son peuple de plomb.
11 (en 4 lettres): «Jeune» chef d’Etat sénégalais qui entend se représenter à la présidentielle à 86 ans, nouveau héraut d’une renaissance africaine «monumentale», régulièrement contradicteur des positions de la Commission de l’UA.
12 (en 5 lettres): Déjà ancien «Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique» qui a surtout contribué au mot numéro 4; promu puis lâché par le mot numéro 11 qui le qualifiera finalement «d’escroquerie intellectuelle».
13 (en 8 lettres): Abus de solidarité de «copains» qui justifia plusieurs surnoms de l’Union africaine comme «syndicat de chefs d’Etat» ou «club de dictateurs».
14 (en 8 lettres): Absence de condamnations judiciaires, par l’Afrique, de chefs d’Etat criminels; oublier que le mot numéro 6 est recherché dans le monde et qu’Hissène Habré se la coule douce en Afrique…
15 (en 10 lettres): Organe de l’Union africaine présidé par le mot numéro 5, autorité exécutive dotée d’un pouvoir théorique d’initiative, mais coquille vide qu’Alpha Omar Konaré se dépêcha de fuir…
16 (en 5 lettres): Nouveau type d’attelage dans les médiations de l’Union africaine, qui permet de diluer les responsabilités des échecs comme, en février dernier, en Côte d’Ivoire.
17 (en 5 lettres): Homo sapiens avec un grand «H», réfugié ou paysan affamé, qui devait être le premier bénéficiaire de l’UA mais dont les droits, de crise en crise, ne sont guère représentés par une organisation qui a pourtant créé la Cour africaine des droits de l’…Homme et des peuples…
Damien Glez