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Le G8 courtise les «nouveaux démocrates» africains

Le G8 se tiendra les 26 et 27 mai 2011 en France, à Deauville. Ce «groupe informel de discussion entre les chefs d'Etat et de gouvernement des pays les plus industrialisés (Etats-Unis, Canada, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie et Russie)» a invité cette année plusieurs chefs d’Etat africains —et pas n’importe lesquels: il s’agit de ceux considérés par le G8 comme des promoteurs de la démocratie. Une initiative qui laisse circonspect le site burkinabè LeFaso.net:

«Il y a quelque chose de puéril dans cette distribution "Made in France" de bons points aux "démocrates" africains.»

Ainsi, sont présents les dirigeants des pays africains à l’origine de la création du Nouveau partenariat pour le développement (Nepad), ainsi que les Premiers ministres égyptien et tunisien, aux côtés des présidents de Côte d’Ivoire (Alassane Ouattara), de Guinée (Alpha Condé) et du Niger (Mahamadou Issoufou).

L’invitation est récente puisqu’elle répond aux révoltes arabes de ce début d’année ainsi qu’à l’élection récente des trois chefs d’Etat d'Afrique subsaharienne. Leur choix vient «récompenser» les avancées démocratiques du continent, mais il semble important pour l’Occident de vouloir entretenir de bonnes relations avec les nouveaux régimes égyptien et tunisien —comme c’était d’ailleurs le cas avant les révoltes. L’intervention française de la Licorne en Côte d’Ivoire, qui a permis à Alassane Ouattara de s’installer au pouvoir, traduit également bien les intérêts français dans le pays. Quant à Condé et Issoufou, deux opposants historiques dans leurs pays respectifs, ils ont accédé au pouvoir par les urnes et remplacé des régimes militaires.

«Autant d’événements qui ont changé la donne géopolitique et diplomatique. Et à l’occasion de son voyage en Côte d’Ivoire pour l’investiture de Ouattara, Sarkozy a été clair et net : "C’est une nouvelle politique africaine et même une nouvelle politique étrangère que notre engagement en Côte d’Ivoire a illustrées ces derniers mois"», ajoute LeFaso.

Une politique «à géométrie variable» qui manque de nuance, selon l’auteur de l’article, Jean-Pierre Béjot, qui craint que la France ne divise l’Afrique désormais de manière manichéenne entre «démocrates» et «dictateurs». Une pente glissante, explique Béjot:

«On peut craindre que ce hit-parade de la "démocratie" en Afrique ne débouche sur une "mise aux normes" de ces pays: le "démocrate" serait celui qui s’alignera sur une vision du monde qui est celle du G8; l’autre serait du même coup, nécessairement, le "dictateur"…»

Et si les intérêts de la France et des autres membres du G8 sont évidents, les pays africains sont également intéressés par cette rencontre, souligne RFI:

«Les attentes des dirigeants africains et de la société civile sont nombreuses. En dépit d’importantes richesses minières, la Guinée et le Niger font partie des pays les plus pauvres au monde. La Côte d’Ivoire, elle, reste une puissance régionale mais la récente crise politique a porté un coup terrible à son économie.

L’ONG Oxfam France a souligné que les promesses d’aide aux pays pauvres, régulièrement avancées par les pays membres du G8, ne sont jamais entièrement tenues.»

Il ne reste alors plus qu’à espérer que ce sommet consolide de manière concrète les relations entre les membres du G8 et l’Afrique, selon un principe de réciprocité jusqu’alors peu affirmé.

Lu sur LeFaso.net, RFI