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Le ministre soudanais qui a perdu la foi

Le ministre soudanais Luka Biong Deng vient d’annoncer sa démission du gouvernement d’Omar el-Béchir à Khartoum.Cet influent homme politique de la région d’Abyei, disputée entre le Soudan et le Sud-Soudan, membre du Mouvement de libération du peuple soudanais (SPLA), a justifié sa décision par le fait qu'il a perdu foi en le président soudanais.

«Nous espérions que nous pourrions créer deux Etats viables observant de bonnes relations. Mais Khartoum ne semble pas être intéressé par la paix […] Les crimes de guerre menés sous la houlette du parti du Président el-Béchir ne me permettent pas de continuer de travailler pour un gouvernement en lequel je ne crois plus», écrit-il dans sa lettre de démission.

Cette décision fait suite à l’offensive des autorités de Khartoum sur la ville d’Abyei le 20 mai 2011. Ces attaques, que l’ancien ministre a qualifiées de «barbares», ont mené au «déplacement massif de milliers de gens». En effet, les habitants d’Abyei sont contraints de fuir les pillages des milices armées qui ravagent la ville depuis quelques jours.

«Les pillards utilisent des pickups pour transporter leur butin. On entend de temps à autre des tirs dans la ville», rapportent les Nations Unies, soulignant de fait le degré d’organisation des miliciens.

Le Sud Soudan, qui a voté son indépendance lors d’un référendum tenu en janvier dernier, doit entériner sa partition en juillet 2011. La région d’Abyei, riche en pétrole,  est un enjeu majeur contesté par les deux parties: jouissant d’un statut spécifique, elle doit bientôt se prononcer sur son autodétermination et choisir son rattachement au sud ou au nord.

L’offensive de Khartoum a eu lieu en réponse après l’attaque d’un convoi par les forces du sud qui a fait 22 morts. Les craintes que le conflit entre le nord et le sud Soudan se réactive sont plus prégnantes que jamais.

Pourtant, Luka Biong Deng, au lendemain du référendum d’autodétermination du Sud Soudan, avait affiché son optimisme dans une tribune pour le journal britannique Guardian:

«Le référendum au Soudan marquera la fin d’une lutte continue du peuple du Sud Soudan depuis l’indépendance du pays en 1956 […] Le référendum a surpris plus d’un observateur qui s’attendait à ce que le processus soit sanglant et contraire aux standards internationaux d’équité et de transparence. Au lieu de cela, les gens ont montré au monde entier qu’ils peuvent exprimer leur choix avec détermination mais aussi civilité.»

Toutefois, il n’avait pas caché ses réserves quant à la réaction du président du Soudan:

«Bien que le nord préfère l’unité, le président Omar el-Béchir a affirmé qu’il accepterait le résultat du référendum et qu’il soutiendrait la création d’un nouvel Etat dans le cas où la sécession serait votée. Bien entendu, l’avenir nous dira s’il tiendra parole une fois que les résultats seront proclamés.»

«La tension à Abyei est élevée. Si les problèmes ne sont pas résolus avant juillet il y a un risque que le conflit entre le nord et le sud se réactive», avait-il ajouté de façon prémonitoire.

Lu sur The New York Times, BBC, Guardian