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L’Italie craque pour Zanzibar
Les Italiens investissent les côtes de l’Afrique de l’Est, au Kenya et en Tanzanie, où ils construisent hôtels et bungalows. Mais le climat est de plus en plus tendu.
Le drapeau Tifosi flottant sur les plages, des pizzerias à perte de vue, des noms d’hôtels et des panneaux indicateurs qui rappellent tout sauf le kiswahili… Pas de doute, le vent de l’Italie souffle toujours plus fort sur le littoral est-africain. Au Kenya et en Tanzanie, sur l’archipel de Zanzibar, le temps est plus aux spaghettis qu’à l’ugali. La raison n’est pas à chercher bien loin: les Italiens investissent dans le tourisme, entraînant dans leur sillage des visiteurs de leur pays.
«En Italie, parlez de Zanzibar à n’importe qui et il vous répondra qu’il connaît.» Cette précision d’un cadre du Tanzania Tourist Board (TTB), l’agence de promotion du tourisme en Tanzanie, prend tout son sens en période de fêtes, surtout entre Noël et le nouvel an: ce sont des centaines d’Italiens qui débarquent depuis Milan, Rome, Florence et Turin à l’aéroport international de Zanzibar. Les touristes rejoignent ensuite par minibus les hôtels… italiens de l’archipel. L’histoire explique aussi cette relation privilégiée, puisque l’Italie possède depuis 1885 son consulat à Stone Town, la capitale de Zanzibar.
Les Transalpins représentent une part importante des 150.000 visiteurs annuels de Zanzibar: entre le quart et le tiers selon les années, d’après les statistiques de la Commission du tourisme de l’île. Au nord et à l’est, les hôtels et bungalows accueillent à une écrasante majorité une clientèle italienne.
Les investisseurs italiens de l’archipel s’orientent de plus en plus vers le tourisme de luxe, comme l’attestent les constructions en cours destinées à une population aisée. La nuitée, par personne, atteint plusieurs centaines de dollars. Au Kenya, c’est le même scénario. A Lamu, Malindi et Mombasa les Italiens trustent les plages de l’océan Indien. Les constructions se multiplient, tout comme les demandes de permis de construire.
Les Italiens de plus en plus mal vus
Mais depuis quelques temps, ce qui aurait pu être une belle histoire ne cesse de dégénérer. Les faits divers se répètent; les autorités se montrent un peu moins bienveillantes à l’égard des Transalpins. Si l’emploi bénéficie aux Kényans et aux Tanzaniens, les patrons italiens, eux, connaissent des déboires avec la justice.
Certains investisseurs ne respectent pas les lois en vigueur, notamment celle du permis de travail pour les salariés étrangers. C’est ainsi que l’immigration kényane a découvert l’an passé sur plusieurs Italiens travaillant dans des établissements de Mombasa sans permis en règle…
Fait plus grave: en 2009, à Zanzibar, un cuisinier italien d’un hôtel de luxe était arrêté pour avoir forcé, durant le même mois, quatre filles de son équipe à coucher avec lui. Enceintes, elles étaient allées se plaindre à la police. A Zanzibar, les histoires de ce type ne surprennent plus, bien qu’elles dérangent les autorités. Ces dernières ne se cachent pas de dire que «les Italiens aiment beaucoup les femmes zanzibaris».
Haut lieu du tourisme… sexuel
Les touristes ne sont pas non plus en reste. Malindi, au Kenya, a ainsi acquis ses tristes lettres de noblesse de place forte du tourisme sexuel en Afrique de l’Est. Ce que regrette un tour opérateur kényan préférant garder l’anonymat, qui accuse les Italiens de se servir de leurs villas pour alimenter et faire fructifier le tourisme sexuel:
«Ces images d’Italiens avec de jeunes kényanes sont exactement les mêmes que celles de lions chassant les impalas dans nos parc nationaux», dit-il.
A Zanzibar, où la présence italienne n’est pour le moment pas remise en cause, des voix s’élèvent pourtant afin de limiter le nombre d’investisseurs étrangers. Certaines scènes, des quinquagénaires blanches tenant la main à des jeunes Masaï sur la plage, ne passent en effet pas inaperçues.
Zanzibar, archipel de luxe
Le tourisme bénéficie pourtant à Zanzibar qui connaît, depuis le début des années 1990, un boom sans précédent. Il est ainsi devenu la première ressource de l’archipel, dont l'économie a longtemps été dominée par le commerce des clous de girofle.
A la Commission du tourisme de Zanzibar, on veut faire de l’archipel un endroit de villégiature de luxe afin de combler le retard pris sur les autres îles de l’océan Indien, de Maurice aux Seychelles. Mais ce n’est plus du côté de l’Europe que les autorités jettent leur dévolu: sur une île à 99% musulmane en quête de fonds d’investissements, les regards se tournent en priorité en direction du Golfe, du Bahreïn aux Emirats arabes unis.
Arnaud Bébien
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