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Burundi - Le journaliste Jean-Claude Kavumbagu libéré
«Le Burundi sera- t-il la prochaine cible des shebbab somaliens ?» La question semble anodine, mais c’est pourtant le titre d’un article qui aura valu 10 mois d’incarcération à son auteur.
Le 17 juillet 2010, le journaliste Jean-Claude Kavumbagu a été arrêté alors qu’il se rendait à son travail. La détention dite au départ «provisoire» de Kavumbagu s’est prolongée arbitrairement et les autorités n’ont eu de cesse de nier les droits de l’accusé. Le 6 septembre 2010, le tribunal de grande instance de Bujumbura, la capitale du Burundi, avait confirmé le maintien en détention «provisoire» du journaliste, sans avancer de date ultérieure d’audience. En avril 2011, l’un des substituts du procureur avait requis la prison à perpétuité contre lui.
L’accusation de «trahison» qui lui a valu ces longs mois en prison était en outre contraire au code pénal burundais (article 570) qui stipule qu’un tel grief ne peut être émis que si le pays se trouve en état de guerre —ce qui n’était pas le cas du Burundi.
Enfin, le 13 mai 2011, les charges de trahison qui pesaient contre lui ont été abandonnées et il a été relâché le 16 mai, non sans avoir été tout de même condamné à 8 mois de prison et à 100.000 francs burundais d’amende (57 euros) pour délit de presse. On lui reproche à présent la «publication d’écrits susceptibles de porter atteinte au crédit de l’Etat et à l’économie nationale».
Mais qu’a pu valoir au journaliste un tel acharnement?
Directeur du journal en ligne Net Press, son article a été publié le lendemain d’un attentat à la bombe ayant fait 76 morts à Kampala, la capitale ougandaise. Alors que les shebab, une milice islamiste somalienne, avaient annoncé vouloir s’en prendre à des cibles ougandaises et burundaises, l’interrogation suscitée par l’article de Kavumbagu semblait tout sauf infondée. L’Ouganda et le Burundi fournissent en effet d’importants contingents militaires à l'Amisom, la mission de l’Union africaine en Somalie qui permet le maintien du gouvernement, suscitant de fait la colère des shebab souhaitant déstabiliser le pouvoir somalien.
Dès sa sortie de prison, Jean-Claude Kavumbagu a fait part à Reporters sans frontières de son incrédulité face au traitement qui lui a été réservé:
«Mon article ne faisait qu’ériger une opinion. Il est normal que la population se pose des questions. J’effectuais simplement mon travail de journaliste, sans émettre aucune accusation. Il est grand temps que le gouvernement respecte ses engagements et mette un terme à la pratique du délit de presse. Un mois après la tenue en mars des Etats Généraux des Médias et de la Communication, l’arrestation d’un journaliste entrait en contradiction flagrante avec les déclarations faites par les autorités burundaises», a-t-il déclaré avant d’affirmer sa volonté de reprendre son travail au plus vite, et de militer pour la dépénalisation des délits de presse au Burundi.
Lu sur Reporters sans frontières