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Les Marocains d'Espagne étroitement surveillés par Rabat

L’opération est décrite comme étant d’une «grande envergure» par le quotidien espagnol El País, qui dévoilait mardi 2 août que le Maroc avait développé une vaste stratégie pour étendre l’influence du régime du roi Mohammed VI et pour accroître sa surveillance des ressortissants marocains en Espagne.

Ces révélations sont contenues dans un rapport du Centro Nacional de Inteligencia (CNI, les services secrets espagnols), remis au mois de mai dernier à la fois au ministre de l’Intérieur, à celui des Affaires étrangères et à la Défense, et qu'El País a pu se procurer.

Le royaume chérifien aurait donc pour objectif d'épier les 760.000 Marocains installés en Espagne —auxquels il faut ajouter les 70.000 qui ont obtenu la nationalité espagnole ces dernières années. Mais pourquoi?

D’après ce rapport, dont le journal donne de larges détails, le gouvernement marocain chercherait des moyens de détecter d’éventuels mouvements d’opposition au régime et d'empêcher l’émergence de courants islamistes. Et «les outils de surveillance» sont aussi pernicieux que subtils: la religion et l’éducation.

Selon les services secrets espagnols, le levier de la religion est actionné par le biais de la toute puissante Fédération espagnole des entités religieuses islamiques, dont le président, Mohamed Ali Hamed, est un citoyen espagnol qui prône le «retour» au Maroc, souligne El País.

Cette fédération redistribuerait aux associations membres des fonds versés par le royaume chérifien… à condition que celles-ci suivent les instructions de Rabat. En Catalogne, par exemple, la principale bénéficiaire des subventions marocaines est l’association culturelle islamique Consell de Catalunya.

«Les financements du Maroc au fonctionnement des communautés musulmanes en Espagne atteignent des sommes extrêmement importantes», indique le rapport du CNI.

Si les services secrets n’apportent pas plus de précisions sur les chiffres, ils soulignent cependant que les «sommes importantes» du gouvernement marocain permettraient de construire des mosquées et des centres culturels, et de les entretenir. D’après le ministère de l’Intérieur, sur le millier de mosquées enregistrées en Espagne, le Maroc en contrôlerait déjà quelques centaines, fait savoir El País.

Le levier de l’éducation ne serait ni plus ni moins que la Fondation Hassan II (feu le père de l’actuel roi) et qui est présidée par la princesse Lalla Meryem, la sœur de Mohammed VI. Cette association, dont le budget n’est pas soumis à l’examen du parlement marocain, finance des cours de langue et de culture marocaine dans des centaines d’écoles publiques principalement fréquentées par de jeunes immigrés.

Le rapport du CNI estime que ces cours entravent l’intégration des élèves dans la société espagnole, car «ils leur enseignent surtout à être de bons sujets du roi et de fidèles musulmans». La note ajoute:

«Le fait que ces écoles soient situées en zone périphérique, que les classes ne soient constituées que d’élèves marocains et que les enseignants soient marocains favorise l’utilisation de méthodes pédagogiques marocaines. Rabat peut ainsi étendre son contrôle sur ses ressortissants à l’étranger, en promouvant l’enseignement de la langue et de la culture officielle de l’Etat.»

Lu sur El País