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Dépénalisation des délits de presse en Algérie: un «leurre»?

Le 16 mai 2011, le gouvernement algérien a finalisé un projet d’amendement du code pénal, qui prévoit la dépénalisation des délits de presse, abrogeant ainsi les articles 144 bis et 146 qui punissaient les infractions d’outrage, injure ou diffamation commises par l’intermédiaire d’une publication quotidienne, hebdomadaire, mensuelle ou autre, notamment par des peines de prison.

Lors du dernier Conseil des ministres début mai, le président algérien Abdelaziz Bouteflika avait déclaré:

«Nous travaillerons à une modernisation de l’espace médiatique national pour le porter au niveau de notre pluralisme démocratique et des ambitions de notre population, et pour conforter le professionnalisme et l’éthique.»

Pour Khaled Bourayou, un avocat au barreau d’Alger qui a souvent pris position en faveur des journalistes, ces promesses ne sont que des vœux pieux et «la dépénalisation des délits de presse est un leurre», confie-t-il au quotidien algérien El Watan.

«Que faut-il dire de ce projet? C’est une mystification! On n’a abrogé que les diffamations que l’on appelle spéciales en y intégrant, bien entendu, l’offense. Mais le délit de presse qui est par excellence la diffamation, tel qu’il est défini dans l’article 296 et le 298, est toujours là. Il n’est pas concerné par le texte. Donc, on n’a dépénalisé que l’offense, les injures, l’outrage et la diffamation contre le Parlement, l’ANP, les administrations et les corps constitués. Ces infractions ou délits ne constituent qu’une infime partie des délits de presse pour lesquels les journalistes sont poursuivis», assène-t-il.

L’avocat souligne par ailleurs que l’article 97 du Code de l’information reste en vigueur et autorise l’emprisonnement d’un journaliste accusé d’offense au chef de l’Etat. Autrement dit, la dépénalisation des délits de presse ne concerne pas la diffamation, qui constitue l’écrasante majorité des plaintes portées contre les journalistes (99% selon Khaled Bourayou).

«Le journaliste algérien n’a pas un texte qui garantit l’exercice de sa fonction […] (Il) est soumis au droit commun et considéré comme un délinquant […] Donc, non seulement il faut dépénaliser, mais il faut faire bénéficier le journaliste d’un statut particulier, d’une loi particulière que j’appellerai loi sur la liberté d’expression qui doit prévoir des dispositions pour protéger la liberté d’expression et l’exercice de l’activité journalistique. Nous avons une partie de la diffamation dans le code pénal et une autre dans le code de l’information qui sanctionne 17 délits, 5 crimes et une contravention. La dépénalisation ne doit pas inclure la diffamation et l’injure», développe maître Bourayou.

Si l’Algérie regorge de médias, la multiplicité des titres de presse ne révèle en aucun cas la bonne santé de la liberté d’expression. Reporters sans frontières a en effet relégué le pays à la 141e place sur 178 de son classement mondial de la liberté de la presse pour l’année 2010.

Lu sur El Watan, Algérie360, Horizons