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Les médias français ignorent le détenu tunisien brûlé vif

Le 30 juin 2011, Badii El Massi, un immigré tunisien, est retrouvé brûlé à 80% dans sa cellule  du centre pénitentiaire de Fresnes (banlieue parsienne) avec son codétenu, Walid Ferdi, un Algérien résident en France qui lui a succombé à ses brûlures.

Les retombées de l’affaire restent encore peu médiatisées, comme l'indiquait le 31 juillet sur le site de la radio tunisienne Mosaïque FM un journaliste, alerté de la nouvelle via Twitter. Les médias français semblent avoir peu fait écho de l’évènement, rapidement relégué à la catégorie de fait divers.

El Massi, hospitalisé actuellement à Tours, est un réfugié tunisien clandestin qui a été incarcéré pour sa situation irrégulière. Outre le caractère étrange de son arrestation —«Il a été incarcéré directement juste à cause de sa situation irrégulière, c’est une peine disproportionnée par rapport au délit, si délit il y a», affirme son avocate Soumaya Taboubi—, les causes de l’incendie seraient elles aussi controversées. Les enquêteurs s’accordent à dire que le détenu aurait déclenché volontairement le feu, tandis que la famille du détenu et son avocate démentent cette théorie.

La journaliste Yasmine Ryan, d’Al Jazeera —un des seuls médias qui a enquêté sur le cas de Badii El Massi— a insisté sur l’affaire dans un article du 22 juillet 2011 en pointant les dysfonctionnements des prisons françaises. Elle revient longuement sur la prison de Fresnes et son caractère vétuste, notant que l’alarme incendie n'a pas fonctionné pas au moment des faits.

Contactée par SlateAfrique, la journaliste a insisté sur le caractère vague des informations données par le procureur et le peu de sources médiatiques qu'elle a pu trouver quand elle est venue enquêter sur l’affaire.

L’avocate de Badii El Massi a confirmé à SlateAfrique ce manque d’informations de la part de la police et du procureur depuis l’ouverture de l’enquête, mais parle aussi d’une volonté politique de ne pas médiatiser l’affaire. Elle affirme n’avoir eu aucun soutien de la part du consulat tunisien en France et encore moins de relais dans les médias:

«Ce n’est pas étonnant que l’affaire soit autant passée sous silence. Il renvoie au problème des prisons françaises qui ne sont pas conformes aux normes de sécurité, un sujet qu’il n’est pas forcément bon de remuer en période électorale.

Je suis fréquemment contactée par les médias pour d’autres affaires moins importantes sur les réfugiés tunisiens, et pour celle-là, aucun coup de fil. On observe de plus en plus une autocensure de la part des médias sur certaines affaires et celle-ci touche à la fois à la justice, au système carcéral et à l’immigration; alors vous imaginez bien que c’est délicat.»

Ali Gargouri, militant pour les réfugiés tunisiens en France, a lui aussi confirmé à la rédaction ce silence médiatique:

«J’ai tweeté l’évènement de nombreuses fois et j’ai essayé de contacter de nombreux médias. Seulement l’immigration c’est un sujet qui fâche.»

La famille de Badii El Massi, alertée seulement le 9 juillet de l'affaire, tente de venir en France depuis un lors afin d'être auprès de lui, mais elle n'a pas encore réussi à obtenir de visa.

Lu sur Mosaïque FM