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Quand le politique change d’arène
Les Algériens ont assisté, mercredi dernier, à un geste peu sportif de la part du club du Mouloudia qui a refusé de saluer les vainqueurs de la Coupe d'Algérie et de recevoir les médailles. Au-delà de l'aspect très peu élégant du geste et de l'irrespect de l'éthique sportive justifiés par un «mauvais arbitrage» qu'ils ont été les seuls à voir, les responsables du Mouloudia ont mis le club sportif dans la posture du trouble-fête, voire du trublion de service. Le club et ses dirigeants, comme d'autres clubs d'ailleurs, auxquels on ne connaît pas d'antécédent d'insoumis au pouvoir, font preuve d'excès de zèle et d'affront qui cachent mal non pas une déception, mais une volonté de gâcher la fête et de marquer ce premier trophée remis en l'absence du président de la République par un incident jamais enregistré dans l'histoire du football algérien. Les supporters du doyen des clubs ont même été surpris par l'attitude de leur équipe et n'arrivent pas à s'expliquer un tel affront que l'accusation de l'arbitrage a du mal à légitimer. Les liaisons douteuses entre le football, l'argent et la politique en Algérie poussent à s'interroger sur le sens à donner à certaines sorties de quelques dirigeants de clubs. Celle du MCA lors de la dernière Coupe d'Algérie constitue une opération de communication de taille qui a même failli éclipser la maladie du Président. En était-ce le but ? Il est difficile de ne pas voir un lien entre ces deux faits majeurs de la semaine écoulée. Une semaine entamée par l'accident cérébral dont a été victime Bouteflika et s'achevant avec une fin de match pas comme les autres, et entre les deux, un Omar Ghrib qui demande le report du match pour cause de maladie du Président. Il est peu aisé de ne pas faire le lien entre ces événements et voir dans le geste du collectif du Mouloudia, au grand dam des opposants à la théorie du complot, une action réfléchie et non une réaction à l'arbitrage. Omar Ghrib, coordinateur de la section football du MCA, n'est, pour rappel, pas à sa première «mise en scène» ayant fait couler de l'encre. Avant la finale et lors du match de qualification avec le CSC, le dirigeant mouloudéen avait invité sur la pelouse la bataille pour un quatrième mandat en arborant une immense banderole appelant Bouteflika à briguer un autre quinquennat. Il récidive lors du match de la finale en affichant un immense portrait du Président, mais c'était sans compter que la victoire sur le terrain reviendrait à l'USMA. Les coulisses du stade du 5 Juillet ont-elles soudain adopté les querelles intestines des coulisses du pouvoir ? Se sont-elles transformées en arrière-chambre de la scène politique ? Une scène politique qu'on interdit aux politiques et qu'on jette sans gêne ni règle dans l'arène footballistique, où se monnayent les candidats aux élections comme se monnayent des matchs et des coupes. Omar Ghrib, ayant eu des démêlés par le passé avec la justice, est devenu, par un miracle dont seul est capable le football en Algérie, un dirigeant de club qui a dépensé une fortune pour le Mouloudia dont tout le monde ignore la provenance. Il «milita» pour le rachat du MCA par Sonatrach comme il «milite» pour un quatrième mandat pour Bouteflika. Trois autres clubs sont rachetés par la compagnie nationale des hydrocarbures, dont les dépenses ne cessent d'alimenter les dossiers de justice et les colonnes des journaux. Y a-t-il une arrière-pensée, dans ces rachats, de transformer ces clubs en porte-étendard ? Le geste du MCA, mercredi dernier, traduisait-il un rejet de cette classe dirigeante en l'absence de Bouteflika ? Force est de constater que quand le politique change d'arène, l'on craint de voir toutes les règles voler en éclats et les basses man½uvres politiciennes balayer l'esprit sportif et toute éthique. Le MCA en a donné la preuve et l'on risque malheureusement, à l'avenir, d'être encore plus surpris. Le drible cèdera la place aux coups bas.