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Un homme tient une pancarte «non au terrorisme» à Marrakech le 28 avril 2011. REUTERS/Youssef Boudlal
Un homme tient une pancarte «non au terrorisme» à Marrakech le 28 avril 2011. REUTERS/Youssef Boudlal

Le terrorisme se démocratise

Al-Qaida au Maghreb islamique a nié toute implication dans l'attentat de Marrakech. Pas besoin d'une organisation pour commettre un attentat, c'est à la portée de (presque) tous...

17 morts au dernier bilan, dont 8 Français: l'attentat de Marrakech est encore dans les mémoires. Le 28 avril 2011, ce haut lieu du tourisme marocain était défiguré par une bombe déclenchée à distance sur la place Jamaâ-El-Fna, très prisée par les étrangers.

Sans plus de distance, les autorités marocaines et françaises suivent immédiatement la piste d'Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), organisation franchisée d'al-Qaida, la plus simple à emprunter, reléguant ainsi la responsabilité du terrorisme à une vague nébuleuse implantée très loin dans les sables sahélo-sahariens.

Pour le président Nicolas Sarkozy, il s'agit de faire vite et le 3 mai 2011, à l'aéroport d'Orly où il accueille les dépouilles des victimes françaises, il jure que ce crime ne restera pas impuni.

Le 4 mai, le quotidien français Le Figaro annonçait que les deux suspects marocains identifiés —citant une source française proche de l'enquête— étaient de la mouvance Aqmi, pendant que le journal Le Monde reprenait les explications du ministre de l'Intérieur marocain, Taïeb Cherkaoui, au sujet des interpellés qui «admirent al-Qaida, sont imprégnés de l'idéologie d'al-Qaida et de l'idéologie salafiste».

Le 5 mai, Le Parisien donnait trois suspects arrêtés, dont un serait lié à al-Qaida, et Euronews donnait le même jour les trois suspects liés à al-Qaida.

Le mauvais réflexe Aqmi

Une semaine après l'attentat, la messe est dite. Sauf que le vendredi 6 mai, Aqmi diffuse un communiqué pour nier son implication dans cet attentat: «Nous démentons toute relation avec cette explosion», assure l'organisation dans un communiqué en arabe, adressé à l'agence de presse mauritanienne Nouakchott Informations (ANI).

Preuve déjà qu'Aqmi lit les journaux français, mais indice aussi qu'il devient très facile de l'accuser à chaque explosion. Bilan provisoire donc, aux dernières nouvelles, il y aurait trois suspects, dont le principal d'entre eux serait effectivement un admirateur d'al-Qaida. Mais il s'agirait d'un acte isolé, celui d'un jeune djihadiste lié aux forums Internet, sur Facebook et ailleurs, où il a puisé la légitimité et le courage nécessaires pour son acte meurtrier.

C'est la démocratisation du terrorisme, plus besoin d'ordres, de directives, de mise en conditions ou de paiement. Ce nouveau type de terrorisme, encore plus difficile à contrer que celui d'al-Qaida, lui-même délocalisé, secret et transnational mais qui permettait au monde entier de se retrouver avec un seul ennemi international.

Pour les autorités marocaines, la tâche devient plus dure, il va falloir trouver des suspects à l'intérieur du Royaume, sans lien avec les nébuleuses internationales. Un problème propre au Maroc, qu'il va devoir hélas régler (presque) tout seul.

Le bras de fer des rançons

Depuis la mort de Ben Laden début mai 2011, tout le monde guette le Sahel et la réaction des sympathisants locaux de la centrale terroriste.

Le 7 mai 2011, par mesure de sécurité, les autorités françaises ont interdit à leurs ressortissants cette zone grise sahélo-saharienne où l'étranger est une cible privilégiée, comme l'éléphant pour les blancs des safaris kényans.

De leur côté, depuis 2010 déjà, les autorités militaires algériennes avaient interdit les randonnées au sud de Tamanrasset, capitale du Hoggar aux frontières du Sahel, première destination algérienne pour les étrangers.

Le tourisme est touché de plein fouet, tout comme au Maroc, où l'on se bat pour ne pas enterrer le tourisme trop vite, à l'image de cette récente action de solidarité des opérateurs du tourisme venus en masse sur les lieux de l'attentat, une semaine après:

«Marrakech demeure la capitale du secteur au Maroc», déclare M. Setti, consultant en tourisme à Casablanca, ajoutant très justement que «nous allons faire oublier cet acte en communicant positivement sur le Maroc, comme les autres l’ont fait à Paris, à Londres, à Madrid».

Pour des raisons diamétralement opposées, les opérateurs et les terroristes d'Aqmi veulent préserver le tourisme. Si les jeunes djihadistes n'aiment pas ces étrangers en short qui s'attablent sur les terrasses de cafés de Marrakech, Aqmi aime les touristes et ne fera probablement rien pour les empêcher d'arriver au Sahel.

Les quatre Français capturés en septembre 2010 à Arlit, au Niger, valent en théorie au groupe terroriste 90 millions d'euros, bien que la France, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, refuse pour l'instant de payer ce qu'elle considère comme une somme démesurée. Ce qui indiquerait que la négociation est en cours, à Aqmi de revoir à la baisse ses prétentions.

Le groupe sahélien conduit par Abou Zeid a l'air de savoir ce qu'il fait. Deux jours avant l'attentat de Marrakech, il diffusait une vidéo montrant les otages français entre ses mains pour prouver ses «bonnes intentions». Pas question de mettre des bombes dans des endroits touristiques ou de tuer des touristes. Ils valent trop cher.

Chawki Amari

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Chawki Amari

Journaliste et écrivain algérien, chroniqueur du quotidien El Watan. Il a publié de nombreux ouvrages, notamment Nationale 1.

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