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Premier Mai 2013 : Benkirane dans la tourmente
Le deuxième ''Premier Mai'' du gouvernement Benkirane a été fêté cette année dans une ambiance tendue, fruit d'un climat politique difficile.
En effet, entre le gouvernement Benkirane et les syndicalistes, rien ne va plus. Le dialogue social est en panne. Le dernier round de négociations, prévu le week-end dernier, a été reporté à une date encore non déterminée. Dans une déclaration, le chef du gouvernement a exprimé sa volonté de “poursuivre le dialogue avec les différents partenaires économiques et sociaux”, et sa ''détermination à mettre en ½uvre les dispositions de l’accord conclu le 26 avril 2011, et ce en allouant les fonds nécessaires, en promulguant les textes législatifs et organiques y afférents et en prenant toutes les mesures à même d’honorer les engagements de l’Exécutif”.
Sur la même lancée et deux jours avant les festivités de ce premier mai, les responsables sont revenus à la charge pour justement rassurer et calmer les esprits. Et cette fois-ci, c'est le ministre PPS de l'Emploi, Abdelouahed Souhail, qui s'est attelé à la tâche, en soulignant que le gouvernement ½uvre à la consolidation d’un projet sociétal garantissant l’extension du système de l’Etat de Droit à l’ensemble des secteurs sociaux. Il a poursuivi en précisant que l'Exécutif a tenu à concrétiser dans son programme les objectifs tracés par la loi fondamentale, vis-à-vis notamment de l’exercice des libertés syndicales, des négociations sociales, de la consolidation de la protection sociale, du renforcement du dialogue entre les partenaires sociaux, et de la sécurité au profit des travailleurs. Mais selon les syndicats, le dialogue social ne sert plus à rien face à un gouvernement irresponsable. Hamid Chabat, SG de l'UGTM et de l'Istiqlal, parti de la coalition gouvernementale, accuse le chef du gouvernement d'instrumentalisation du dialogue social à des fins politiques. Le patron istiqlalien ne cesse de rappeler que s'il y a un dossier où le gouvernement n'arrive toujours pas à apporter les réponses nécessaires, c'est bel et bien le dossier social.
Unanimes, les principales centrales syndicales, notamment l'UGTM, l'UMT, la CDT et la FDT, expriment leur opposition à Benkirane, dont la liste des détracteurs ne cesse de croître. En effet, ni les syndicats ni le patronat n'arrivent à obtenir quoique ce soit de lui. Les promesses de promotion de la compétitivité des PME n'ont pas été respectées, particulièrement celles concernant la révision de l'IS et autres avantages fiscaux.
Cette situation est une des raisons qui ont poussé la CGEM et les syndicats à signer le Pacte Social pour une compétitivité durable et un travail décent. Une première dans les annales du climat social, puisque jamais patronat et syndicats n'ont été aussi proches et autant en phase. Les temps ont étrangement changé!
Touche pas à mon droit de grève !
Le droit de grève est un autre enjeu au c½ur des débats. Unanimes, toutes les centrales syndicales continuent de rappeler que sans le respect du droit de grève, le syndicalisme n'aurait pas de sens. Ils sont, depuis des années déjà, contre le principe d’une loi organique qui réglemente le droit de grève (depuis 1962 déjà) et préfèrent plutôt le renforcement du dialogue, la modernisation des relations professionnelles et la signature de conventions collectives pour éviter les grèves, citant dans ce sens, l’exemple de la France qui ne dispose pas de loi organique sur le sujet.
La position de Benkirane est sans équivoque : '' Nous sommes pour le droit de grève, mais nous sommes aussi contre l'anarchie et l'abus de son usage''. C'est normal, diront beaucoup, sachant que le chef du gouvernement serait inquiété par une instrumentalisation de l'action syndicale pour casser le projet gouvernemental du PJD. En résumé, le SG du PJD n'est pas du genre à céder au chantage. En atteste d'ailleurs l'adoption d'une décision gouvernementale concernant les prélèvements sur les salaires des grévistes et les modalités de leur mise en ½uvre.
Pour revenir au premier mai, c'est dans ce contexte de climats social et politique électrique que les syndicats célèbrent la fête du Travail. Parmi les dossiers en suspens, se trouve la flambée des prix qui affecte profondément les classes populaires dont le pouvoir d’achat s'est détérioré en l’absence d’une politique salariale équilibrée et équitable, fondée sur l’échelle mobile des salaires.
Au menu des revendications figurent aussi l'indépendance du syndicalisme et le respect du droit de grève. Pour tous les syndicats, et sans exception aucune, la situation sociale souffre aujourd'hui de problèmes structurants. Certaines des revendications ont été satisfaites grâce à la lutte de la classe ouvrière, mais d’autres restent en suspens, notamment celles concernant les libertés syndicales, le travail temporaire, la non-déclaration des salariés à la CNSS, la création de sociétés en violation de la loi et le non-respect du salaire minimum.
Pour l'UMT, la CDT, la FDT, l'UGTM et même l'UNMT du PJD, la classe ouvrière marocaine mérite aujourd'hui un traitement rapide de ses revendications légitimes, particulièrement aux niveaux de l’augmentation du revenu des salariés, de l’élargissement de la protection sociale, de la promotion des relations interprofessionnelles et des négociations collectives, de l’amélioration des conditions du travail, de la santé et de la sécurité professionnelle, de la consolidation de la législation du travail, du respect des libertés syndicales, ainsi que de l'application de l'accord du 26 avril 2011.
H.Zaatit
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A propos du nouveau texte sur le droit de grève
Le projet de loi organique ambitionne de développer une vision claire pour éviter les grèves anarchiques de sorte à préserver le droit de grève et le droit du travail conformément aux dispositions légales. Ce projet sera marqué par de nouvelles orientations qui privilégient le dialogue avant le recours à la grève. Le projet de loi organique (51 articles) reconnaît le droit de grève garanti par la Constitution, préservant ainsi le droit des grévistes, la liberté du travail des non-grévistes et les droits des employeurs, et contient des mesures visant à assurer un service minimum en temps de grève, notamment dans le secteur public. Ce projet de loi, qui conditionne la validité d’une décision de grève par l’accord d’au moins 35% des salariés, fixe également le préavis précédent une grève à une durée de dix jours minimum. L’employeur doit être informé dix jours auparavant de la grève et de ses motifs, tout comme les autorités locales et les délégations du ministère de l’Emploi.