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Volonté de mainmise sur les médias
Des journalistes, des éditeurs, des parlementaires et des professeurs en communication ont été conviés à animer, mardi dernier, «La tribune libre de l'Assemblée». L'Assemblée populaire nationale (APN) a organisé, mardi dernier, «La tribune libre de l'Assemblée». Son premier numéro a été consacré à la liberté de la presse. Des journalistes, des éditeurs, des parlementaires et des professeurs en communication ont été conviés à animer cet espace. Certains élus ont saisi cette opportunité pour tenter de faire le procès de la presse, l'accusant presque d'être «antinationaliste». Des députés ont reproché à certains journaux, sans citer de noms, de vouloir sciemment ternir l'image de l'Algérie. «Certains journaux sont très négatifs. De la première page à la dernière, ils ne broient que du noir», déclare un député FLN. Une élue pense que la presse n'a pas le droit de traiter de l'état de santé du Président et encore moins d'évoquer, en ce moment précis, l'article 88 de la Constitution qui parle de la destitution du Président s'il est dans l'incapacité de gérer les affaires du pays. Laïd Zoghlami, enseignant, regrette quant à lui, l'absence d'un organisme qui évalue le rendement de la presse algérienne : «Pourquoi est-ce Freedom House ou Reporters sans frontières qui dressent des rapports sur la situation des médias dans notre pays ? Pourquoi ne mettons-nous pas en place des mécanismes appropriés pour faire une évaluation et une critique systématiques de nos médias ? A mon avis nous sommes victimes de l'évaluation des autres.» Laïd Zoghlami est convaincu que sur les 130 journaux existants à l'échelle nationale, seuls cinq ou six ont un contenu sérieux et palpable. Un autre député s'est permis de dire qu'il n'existait pas de presse «indépendante» puisque, de son avis, les médias, sans exception, obéissent à un seul critère : l'argent. Ces remarques ont irrité les journalistes, à leur tête Mme Hadda Hazem, directrice générale du quotidien El Fadjr. Mme Hazem a commencé par reprocher à la corporation, et plus particulièrement aux éditeurs, leur inertie. «Les éditeurs ne se concertent pas, il en est de même pour les journalistes ; chacun s'occupe de sa propre boîte et c'est dommage», a-t-elle déploré, estimant que le pouvoir a joué, entre autres, la carte de la désunion de la corporation pour tenter de casser certains journaux qui sont, il faut le dire, des faiseurs d'opinion, des nationalistes de premier rang et de surcroît un quatrième pouvoir. Se lançant dans une diatribe contre certains cercles du pouvoir, Mme Hazem a osé dire tout en haut ce que certaines personnes, parmi l'assistance, pensaient tout bas. La presse de Saïd Bouteflika Elle a affirmé qu'aujourd'hui, les journaux ne sont pas critiqués sur la base de leur ligne éditoriale, mais plutôt sur un phénomène nouveau : «Qui est derrière le journal ?» «On me demande souvent quel est le général qui est derrière El Fadjr. Certaines personnes veulent savoir qui est derrière El Watan, un journal de référence, qui mérite d'être classé parmi les 50 meilleurs journaux du monde. Mieux encore, on ne juge pas les journaux selon leur contenu, mais selon leurs pages de publicité», a lancé l'intervenante. Revenant sur le panorama médiatique algérien qui compte près de 130 titres, Mme Hazem s'est révoltée contre cette situation. Pour elle, les pouvoirs publics ont fait exprès d'inonder le marché de «petits» journaux qui ne répondent à aucun critère ni fondement dans le but de casser les journaux qui dérangent et sont critiques à l'égard des décideurs : «J'ai eu un problème avec l'imprimerie. Je me suis plainte auprès des concernés, en vain. Il m'a alors été suggéré d'aller voir Saïd Bouteflika, car il est le maître de la situation. On m'a dit que c'était lui qui donnait les agréments et que c'était lui qui les retirait... De quel droit Saïd Bouteflika se mêle-t-il de la presse ? La presse n'a-t-elle pas ses règles ? Pourquoi me somme-t-on de payer mes dettes alors que les journaux créés par Saïd Bouteflika et qui croulent sous des dettes faramineuses ne sont pas inquiétés ? Veut-on me museler parce que je ne ménage pas les autorités ?» Et d'ajouter : «Je connais des parlementaires qui, avec la bénédiction de Saïd Bouteflika, ont créé des journaux dont le contenu laisse à désirer. Le comble est que ces quotidiens bénéficient de pages de publicité. Ce n'est pas normal !» La directrice du quotidien El Fadjr invite, dans ce sens, les parlementaires à jouer leur rôle en enquêtant sur le marché de la publicité et en revendiquant une loi sur la publicité. Pour Mme Hazem, les journalistes ont le droit d'informer en toute objectivité l'opinion publique sur toutes les questions qui se posent sur la scène nationale et internationale. Dans leurs interventions, les journalistes ont mis l'accent sur le problème de l'accès à l'information. Pour le président de l'APN, Larbi Ould Khelifa, la presse doit consacrer son pouvoir à la défense et à la protection du pays contre tout danger extérieur susceptible d'affecter la stabilité de la nation en sensibilisant, en toute objectivité, l'opinion publique.