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Le Nigeria envoie ses chauffards à l’hôpital psychiatrique

En voiture à Lagos, la capitale économique du Nigeria, tous les moyens sont bons pour échapper aux embouteillages où il n’est pas rare de passer 5 heures coincés dans son véhicule.

The Wall Street Journal raconte comment les idées les plus folles germent ainsi dans la tête des conducteurs excédés: emprunter les chantiers de bâtiments en construction, utiliser des klaxons surpuissants pour effrayer les autres automobilistes ou, pour les plus fortunés, se faire escorter par des policiers armés jusqu’aux dents en l’échange d’un confortable bakchich.

Mais le plus simple reste encore de prendre les rues en sens interdit. Devant la recrudescence de cette pratique, notamment de la part des chauffeurs de minibus, les autorités de Lagos ont décidé de prendre le mal à la racine en s’attaquant à la santé mentale des automobilistes lagosiens.

Ces derniers, en plus de payer une amende de 110 euros (qui peut être multipliée par 10 en cas de contestation), doivent désormais se soumettre séance tenante à un examen psychologique réalisé à l’hôpital psychiatrique. Une brigade «anti-conduite en sens interdit» a même été créée pour arrêter les contrevenants.

Cette mesure apparemment dissuasive s’avère toutefois insuffisante pour intimider les conducteurs lagosiens. Car beaucoup d’habitants «jugent cette mesure plus bureaucratique que médicale», allant même jusqu’à dire qu’elle «donne aux policiers un levier pour se faire graisser la patte».

Ikechukwu Ozoh, arrêté par la brigade spéciale pour avoir emprunté un sens interdit, a ainsi été envoyé à l’hôpital psychiatrique après avoir refusé de payer un dessous de table aux policiers. Il a dû se soumettre à un test de Q.I. et des analyses sanguines et urinaires. Pourtant, raconte-t-il au journal américain, le panneau de sens interdit, caché derrière un arbre, n’était pas visible et les policiers l’avaient dûment reconnu.

Occultant les accusations de corruption, un fonctionnaire interviewé par le quotidien estime l'effet dissuasif des tests psychiatriques probant. En 2009, 2.600 automobilistes de la capitale économique (qui compte environ 15 millions d'habitants) ont été envoyés à l’hôpital neuropsychiatrique fédéral de la ville et la cadence a à peine ralenti depuis, aux dires du personnel de l’hôpital.

Pourtant, Oluwayemi Cecilia Ogun, la directrice de l’hôpital neuropsychiatrique de Lagos souligne que «la plupart des conducteurs sont sains d’esprit». Tout au plus, raconte-elle, la consultation révèle que «certains chauffeurs de minibus ont des problèmes de santé», au rang desquels la consommation de cannabis.

Mais une telle débauche de moyens ne l’inquiète pas, car la directrice se satisfait «de rendre un service au public».

Lu sur The Wall Street Journal