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Les business schools à l’africaine restent à inventer
L’Afrique doit se préparer à une nouvelle forme de colonisation, avertit le professeur Walter Baets dans une tribune publiée par le Financial Times. Cette fois-ci, la menace vient des business schools occidentales qui se ruent vers le continent africain pour y développer leurs programmes. En tant que directeur de la Graduate School of Business de l’université de Cape Town (Afrique du Sud), Walter Baets est bien placé pour rendre compte du phénomène.
La liste des écoles de management à l’occidentale qui pénètrent le continent africain ne cesse de s’allonger. Les business schools Duke et Henley (américaine et britannique, respectivement) ont ouvert des campus en Afrique du Sud, la University of Edinburgh Business School propose des bourses aux étudiants africains pour des cours à distance, et de nombreuses universités des Etats-Unis envoient leurs étudiants en «voyage éducatif» pour expérimenter les conditions existantes sur les marchés dits «émergents». L'Ecole de finance et de management de Francfort se développe en République Démocratique du Congo, l’Ecole de Management de Grenoble se projette à Casablanca, au Maroc.
L’une des plus emblématiques business schools du genre sur le continent africain est celle créée au Ghana par la China Europe International Business School (Ceibs) basée à Shanghai, et considérée comme la «Harvard de l’Afrique».
Mais ces avant-postes du business à l’occidentale posent un problème de fond, celui de la pertinence du modèle qu’ils véhiculent. Baets confie son scepticisme à How Me Made It In Africa:
«Je ne suis pas sûr que le modèle des business schools étrangères soit le bon pour l’Afrique. Les business schools africaines doivent être adaptées à l’économie. En Afrique du Sud par exemple, les questions d’innovation sociale, d’entreprenariat et de bonne gouvernance en matière de santé et d’éducation sont très importantes.»
Baets dénonce également les conférences faites par des professeurs volants:
«Ils enseignent puis s’envolent ailleurs, donc il n’en reste rien.»
Dans leurs projets africains, les business schools à l’occidentale appliquent un principe plus que discutable, à savoir que le seul moyen d’aider au développement de l’Afrique est d’y implanter et développer leur modèle éducatif. Or, le développement durable s’appuie sur le renforcement des capacités et ressources locales. Par ailleurs, la crise économique a montré les limites du système prôné par les busines school occidentales.
Pour Walter Baets, le modèle classique de ces business schools est conçu pour des économies stables où tout est prévisible; l'Afrique doit encore inventer le sien.
«Avec son économie émergente, caractérisée par l’incertitude, la complexité et malheureusement les inégalités, l’Afrique est un terrain idéal pour apprendre. C’est l’endroit où sont posées les fondations de l’avenir du business.»
L’enjeu est de taille, conclut Baets: «Il s’agit de construire de meilleures modèles éducatifs et en définitive un monde plus équitable.»
Lu sur Financial Times, How Me Made It In Africa