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Révolte avortée en Guinée équatoriale

Deux membres de la commission exécutive du principal parti d’opposition, Convergence pour la démocratie sociale (CPDS), Juan Manuel Nguema Esono et Vicente Nzé, avaient été arrêtés le 25 avril 2011 puis libérés sans raison particulière ce vendredi 29 avril 2011.

Le principal opposant équato-guinéen et secrétaire général de la CPDS Placido Mico Abogo revenait sur cette étrange libération:

«On les libère mais sans leur dire pourquoi ils ont été arrêtés et détenus jusque-là. La Guinée équatoriale est un pays où les détentions arbitraires continuent de se produire, où le pouvoir arrête les personnes quand il veut, et les libère aussi de la même façon sans motif.»

Officieusement, selon des sources internes à la maison d’arrêt, l’opposant Nguema Esono avait été «détenu pour avoir apposé sur le mur de l’hôpital régional de Bata une affiche appelant la population à une manifestation anti-Obiang (le président de la Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, ndlr) le 1er mai».

Dans la foulée, le traditionnel défilé pour la fête du travail du 1er mai a été annulé à Malabo, la capitale. Les explications officielles mentionnent les nombreuses entreprises étrangères dont les immeubles sont en cours de construction et qui, dans l’urgence et pour pouvoir respecter leurs échéances, ont prié le président d’annuler cette journée fériée, en vue du sommet de l’Union africaine qui doit s'y tenir du 29 juin au 1er juillet.

Le ministre de l’Emploi Estanislao Don Malabo annonçait à la télévision d’Etat:

«La fête des travailleurs du 1er mai ne sera pas célébrée comme d’habitude. Il n’y aura pas de rassemblement habituel pour écouter le discours du ministre de l’Emploi ni de marche dans les rues. C’est à la demande des entreprises qui exécutent les travaux de construction de la ville de l’Union africaine à Sipopo. Le temps leur est déjà compté, elles ont demandé de travailler même ce jour.»

Il justifie également la suspension de la journée nationale par le fait que «plusieurs routes sont coupées à cause de la construction des voies d’eau et l’arrangement des trottoirs». Une autre source officielle, restée anonyme, donnait une version quelque peu différente de celle des communiqués gouvernementaux:

«Ce 1er mai ne sera pas célébré comme d’habitude, le climat politique est mauvais dehors.»

Le plus troublant, effectivement, c’est que l’annulation coïncide avec une manifestation prévue ce jour-là par l’opposition. Les principaux opposants au pouvoir avaient appelé à protester dans la rue, profitant de la mobilisation annuelle du 1er mai pour dénoncer les méthodes du président Obiang. On peut ainsi lire sur un site Internet proche de l’opposition:

«Le 1er mai tous les patriotes guinéens doivent sortir dans la rue avec des pancartes demandant la fin de la tyrannie.»

L’autre parti d’opposition, l’Union populaire (UP), affirmait sur ce même site que le pouvoir «a peur d’une véritable manifestation des travailleurs revendiquant leurs droits». Selon l’UP, «une première convocation» avait été faite dans laquelle les autorités précisaient qu’était «interdit tout thème qui ne soit pas des slogans d’adhésion à la bonne politique du gouvernement (…) mais dans la deuxième convocation du 28 avril 2011, on les informe de l’annulation de la manifestation et du défilé».

Ne souffrant aucune contestation, le gouvernement équato-guinéen préfère mettre en avant de tendancieuses justifications —car l’échéancier des travaux pour l’UA est respecté— plutôt que de voir s'afficher dans ses rues et dans les médias des marches populaires contestataires.

Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, au pouvoir depuis le coup d’Etat de 1979 —et l'un des présidents africains les plus attentifs à l’opinion internationale— ne souhaite pas que l’œil médiatique se tourne trop vite vers le troisième exportateur de pétrole d’Afrique subsaharienne. Malgré les pétrodollars, les 400.000 habitants que compte ce petit pays continuent de vivre dans une extrême pauvreté.

Lu sur Afristat, Aufait Maroc