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© Damien Glez, tous droits réservés
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Burkina Faso: balle perdue, civisme égaré

«La poudre tue. Il serait temps de l’enseigner à ceux que l’on arme au pays des hommes intègres.» Par Damien Glez.

Samedi 30 avril 2011. Alors que les partis politiques et les organisations de la société civile battent le pavé à Ouagadougou, le ministre burkinabè de la Sécurité, Jérôme Bougma, annonce le décès d’un enfant de 11 ans blessé «accidentellement à la tête par une balle tirée par un policier mutin» mercredi.

«Accidentellement». Le mot paraît aussi glaçant qu’absurde. Le coup de feu est-il parti tout seul? Le policier n’a-t-il pas volontairement appuyé sur la gâchette? Ignorait-il que les balles pénètrent les corps qu’elles rencontrent? L’a-t-on si mal formé qu’il imagine une cartouche tirée en l’air ne jamais retomber? N’a-t-il pas, au moins, la prescience de l’attraction terrestre qui rappelle ses balles contestataires vers cette terre qu’on souhaite aujourd’hui légère à cet enfant? Un enfant qui n’était même pas un de ces manifestants que les forces de l’ordre apprennent à abominer. Manifestant que ce mutin tueur, d’ailleurs, était devenu.

«Accidentellement». Comme si l’on parlait d’une tôle froissée dans un accident de la circulation. Ou d’un fémur brisé lors d’un match de football. «Accidentellement»; comme un événement imprévu… inopiné… secondaire… collatéral.

La poudre tue. Il serait temps de l’enseigner à ceux que l’on arme au «pays des hommes intègres». Ou à ceux qu’on laisse s’armer au gré de leurs humeurs corporatistes.

Et l’on parlera de «balle perdue». Perdue comme un portefeuille dans une salle de cinéma. Perdue comme les minutes d’un emploi du temps difficile à respecter. Comme une occasion remise à plus tard. Comme un rêveur dans ses pensées. Sans que ce soit le résultat d’un acte humain. Non, ce n’est pas la balle qui est perdue. C’est l’armée burkinabè.

Non, Monsieur le tout nouveau ministre de la Santé Adama Traoré; pour sa famille, cet enfant de 11 ans n’a pas été tué «accidentellement». Peut-être le terme serait-il homologué par les autorités de la langue française. Mais il blesse ceux qui pleurent la victime. La balle qui a atteint sa boîte crânienne ne s’est pas échappée du stand de tir d’une foire où l’on dégaine pour se distraire. Elle n’a pas quitté la trajectoire d’une discipline sportive où l’on met en joue pour la beauté de la performance. Elle a quitté le canon d’un mutin qui avait expressément pour but de terroriser la population du Burkina Faso; qui posait consciemment un acte de violence avec une arme de guerre —et avec un manquement absolu aux règles de sécurité qui sont assimilées même par le plus obtus des objecteurs de conscience.

Non, cet enfant burkinabè de 11 ans n’a pas été victime d’un accident comme un enfant scandinave glisserait sur une plaque de verglas. Il a été cloué au sol par un projectile volontairement éjecté d’un canon par un homme à qui l’on confia notre sécurité, quelles qu’aient été les circonvolutions calculées ou non de la balle. Que le mutin inconnu n’ait pas imaginé les conséquences possibles de son acte ne l’excuse pas. Ça l’accable.

Après le spectacle pitoyable que les hommes de tenue ont offert tout au long du mois d’avril, les Burkinabè s’interrogent: le Burkina Faso a-t-il réellement besoin d’une armée? Lui qui n’a connu qu’un simulacre de guerre avec le Mali, en 1985? Lui dont les hommes de tenue ont été plus souvent des facteurs de déstabilisation politique que de service civique? Ne conservera-t-on toutes ces brebis galeuses dans les rangs de l’armée que par crainte de faire grimper le taux de chômage? Ou par peur de les voir devenir des bandits de grands chemins? «Accidentellement»?

Damien Glez

Damien Glez

Dessinateur burkinabé, il dirige le Journal du Jeudi, le plus connu des hebdomadaires satiriques d'Afrique de l'Ouest.

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