mis à jour le

Faux-départ en Egypte pour Pékin Express
Candidats caricaturaux, paysages à peine exploités, clichés en pagaille... La sixième édition de la téléréalité d'M6, qui se déroule cette année en Afrique, était pourtant pleine de promesses.
Pékin Express 6, la route des grands fauves avait de quoi en mettre plein la vue aux téléspectateurs.
«Les sondages nous ont montré qu'ils étaient demandeurs de cette destination», explique l'attachée de presse de l'émission.
Une course de 10.000 kilomètres entre l'Egypte et le cap de Bonne-Espérance, en Afrique du Sud, pour faire rêver la ménagère et qu'elle oublie son train-train quotidien. Mais aussi une manière ludique de faire connaître le continent noir et donner envie aux téléspectateurs de partir là-bas avec leur sac-à-dos, à l’instar des candidats.
Voilà ce que promettait la bande-annonce de cette 6e édition. Et pourtant... c'est tout le contraire qui s'est produit lors de la première des dix étapes du jeu, qui a eu lieu en Egypte et diffusée sur M6 le 20 avril.
Si les candidats eux décollent bien pour l'Afrique, la production laisse le spectateur sur sa faim. Les plans caméras sur les querelles et les pleurs des candidats sont (trop) nombreux, c'est à peine si on voit les paysages et les Egyptiens servent de figurants. Comme pour la téléréalité de TF1 La Ferme Célébrités en Afrique (du Sud), cette première étape de Pékin Express aurait pu être tournée en studio que le spectateur n'y aurait vu que du feu. Paradoxalement, la production ne veut pas entendre parler de «téléréalité» et soutient que «la magie de l'émission tient à l'attitude des candidats». (La magie? Quelle magie?)
Candidats insupportables
Parlons-en des candidats. Divisés comme toujours en binômes, ce sont des clichés ambulants. Il y a César et Denis, ou plutôt Mister T. et un Claude François vieillissant. Quand le premier chante du rap en agitant ses chaînes en or dans le taxi, le second entonne «Alexandriiie! Alexandraaa!» en arrivant, justement, à Alexandrie. Il y a aussi la bimbo, filmée en bikini dans son jacuzzi; le sportif et la feignasse; les bourgeois décalés, supposément ouverts mais très habitués à leur confort, donc inadaptés à l'Afrique «si différente et si pauvre, tu comprends». L'un s'étouffe en goûtant de la harissa, l'autre à peur d'attraper la turista en fumant le narguilé. Un candidat déclare, la larme à l'oeil:
«Je ne pleure jamais en France.»
A 22h20, 45 minutes après que l'émission a commencé, on nous annonce que «les candidats vont aller à la rencontre des Egyptiens». Enfin! «Partager des moments avec les locaux est un des fondements de l'émission», nous indiquait l'attachée de presse.
Et bien le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est raté pour cette première étape. D'une, parce que les participants, caricaturaux et impolis, ne savent parler ni anglais, ni arabe et baragouinent des «pliiiz, pour un show télévisé?», s'étonnant que les Egyptiens les regardent d'un œil exaspéré. Ensuite, parce que l'épisode a été tourné quelque jours avant la révolution égyptienne. Le président Hosni Moubarak est tombé le 11 février 2011 et cette étape a été filmée au tout début du mois de janvier. Les règles du jeu ont donc été adaptées à la situation et les baroudeurs ne dormiront pas plus chez l'habitant qu'à la belle étoile, dans la chaleur des nuits d'Alexandrie.
Bidonnages
Bien sûr, depuis que le journaliste Philippe Bartherotte a révélé tous les trucages de l'émission dans son livre La Tentation d'une île (que la production de Pékin Express refuse de commenter), le fait que les candidants sont hébergés à l'hôtel n'a rien de surprenant; ils y étaient envoyés dans les émissions des années précédentes. Bartherotte, qui a travaillé sur Pékin Express 3 avant de cracher dans la soupe, écrit page 189:
«On avait eu recours à ce qu'on fait assez souvent [...] "le faux coucher" [...] On briefe nos candidats. Ils rentrent dans le champ (de la caméra) avec leurs sacs de couchage. S'installent dans la rue un peu comme des clochards feraient et se souhaitent bonne nuit [...] Après quoi on les emmène à l'hôtel. Le lendemain matin, il suffit de revenir au même endroit. Et de faire la scène en sens inverse.»
L'Egypte des cartes postales
Mais le spectateur, habitué à dix fois pire en télé-réalité, pardonnait à Pékin Express (qui, si vous vous posiez la question, est une marque, d'où le titre qui reste le même malgré les destinations qui changent chaque année) ces petits arrangements, pourvu qu'on lui serve du dépaysement au kilomètre. Alors, c'est quoi, l'Egypte selon M6? Du cliché en pagaille; pyarmides, chameaux et hiéroglyphes. On finirait presque par se réjouir que les caméras s'intéressent davantage aux candidats. La production elle, se justifie encore une fois en expliquant qu'il a fallu tout réorganiser en Egypte à cause du contexte prérévolutionnaire. Exit la descente du Nil, par exemple. Dans le troisième épisode, les participants sont censés partir pour le Kilimandjaro et rencontrer les Masaï. A part quelques plans sur les sommets enneigés, y aura-t-il quelques (vrais) échanges avec cette ethnie?
Vu les conditions de tournage, on veut bien leur accorder le bénéfice du doute pour cette fois. Mais si Pékin Express ne redresse pas rapidement la barre, il faudra zapper et abandonner l'idée de partir chaque semaine à la découverte de l'Afrique depuis son canapé.
Agnès Ratsimiala
Pékin Express est accessible via Internet sur M6 Replay