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Les insurgés libyens ont-ils une chance de vaincre Kadhafi?

La prise de Tripoli n’est pas pour demain —surtout si les forces anti-Kadhafi restent en l’état, sans soutien terrestre de la coalition internationale, sans armes plus sophistiquées ou surtout sans formation militaire solide. De son fief de Benghazi, capitale des insurgés située à l'est de la Libye, le Conseil national de Transition ne peut que constater l'enlisement des combats.

«La guerre en Libye s’éternise», prévient le quotidien espagnol El Pais«L’époque où, à Benghazi, l’euphorie cédait le pas en quelques heures à la dépression au rythme des péripéties sur le champ de bataille est bel et bien révolue. La réalité s’impose obstinément à la Libye et les citoyens sont maintenant conscients du fait que sauf effondrement brutal et inattendu du régime de Mouammar Kadhafi, le renversement du dictateur prendra du temps.»

Le Quotidien d’Oran pointe du doigt les piètres performances des troupes des insurgés libyens. 

«L'Armée du Peuple Libyen semble être une force enthousiaste mais remarquablement dilettante dont l'efficacité décline proportionnellement à la distance qui la sépare de Benghazi, d'où viennent la majorité de ses volontaires.»

La désertion de soldats de l’armée régulière libyenne pour rejoindre les rangs de l’insurrection n’a guère modifié le rapport de forces sur le terrain. Leur discrétion sème le doute sur le poids réel de ces transfuges dont, le 10 mars 2011, The Economist de Londres avait évalué le nombre à 6.000 soldats et officiers. Finalement, le contingent des déserteurs recrutés par l'Armée du Peuple se limiterait à un millier d’hommes selon les services de renseignements occidentaux.

Les journalistes étrangers sur place ont souvent rapporté le manque de discipline déconcertant des rebelles, dont le volontarisme n’a d’égal que l'amateurisme. Âgés de 15 à 50 ans, la plupart des membres de cette armée de volontaires sont étrangers à la chose militaire.

Depuis longtemps, ils clament haut et fort leur souhait de recevoir davantage d’armes, plus puissantes. Mais leurs alliés ne s’empressent guère d’exaucer leur requête et se montrent sceptiques quant aux capacités de ces troupes inexpérimentées d’utiliser à bon escient un armement plus lourd, comme des tanks. En dépit du soutien aérien allié, les rebelles armés de fusils n’ont guère été habiles lors de manœuvres terrestres.

Dans une analyse, Reuters brosse un tableau cinglant des insurgés:

«Ils auraient plus de munitions s'ils arrêtaient de les tirer en l'air. Si certains affirment avoir des officiers, ils sont difficiles à repérer et ne semblent pas en mesure d’instaurer plus de discipline. Les décisions sont souvent prises après de houleuses disputes ou alors en suivant les instructions de celui qui crie le plus fort et, en dépit du courage de quelques-uns, la tendance est à la fuite dans la confusion la plus totale quand les forces de Kadhafi commencent à tirer de façon soutenue.»

Par ailleurs, la question du commandement suprême de l’Armée du Peuple s'avère également problématique. En deux mois d’existence, elle a connu trois commandants différents: le ministre des Affaires militaires Omar Mokhtar Al Hariri, l’ex-ministre de l’Intérieur de Kadhafi Abdelfattah Younis, et enfin Khalifa Haftar.

Bien que son autorité soit mal acceptée par son prédécesseur, le nouveau commandant Khalifa Haftar pourrait engager l’Armée du Peuple sur la voie de l’aguerrissement avec le soutien des alliés et notamment des Américains. Il fait en effet figure de partenaire privilégié de Washington après avoir fui aux Etats-Unis dans les années 1990, où «il aurait établi des liens étroits avec la CIA et commencé à diriger une armée d'insurgés anti-Kadhafi financée par les Américains», selon le Quotidien d'Oran.

Pour l’heure, la France, le Royaume-Uni et l’Italie ont annoncé officiellement l’envoi de conseillers militaires à Benghazi pour aider le Conseil National de Transition et former les rebelles. Il est question de quelques dizaines d’hommes.

Lu sur Quotidien d'Oran, Reuters, The Economist, El Pais