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De la sainteté des noirs dans l’iconographie occidentale
Contrairement aux idées reçues, les noirs font partie de l’imaginaire des artistes européens depuis des siècles. Une représentation souvent positive qui illustre les relations complexes entre l’Afrique et l’Occident.
Les artistes européens ont pendant longtemps représenté de nombreuses figures religieuses comme des Africains. Parmi les exemples les plus célèbres, on peut citer Noël et les fameux Rois mages. La plupart de ces trésors figurent dans The Image of the Black in Western Art (L'image du noir dans l'art occidental), une série d'ouvrages co-édités par David Bindam et Henry Louis Gates Jr.
Art versus Histoire
C'est presque un choc de découvrir que depuis l'Antiquité classique, hommes et femmes d'origine africaine ont toujours été présents dans les oeuvres d'art européennes. Tout aussi surprenant, les noirs ont souvent été représentés de manière beaucoup plus sympathique que ne pourraient le suggérer les relations historiques entre l'Afrique subsaharienne et l'Europe.
Tandis que les Africains ont été systématiquement réduits en esclavage au Moyen-Orient ainsi qu'en Europe depuis des temps immémoriaux et à partir de 1502 dans le Nouveau-Monde, l'art les a souvent représentés comme des personnages nobles, voire comme des dieux et autres figures mythiques, mais également comme des saints et des rois. La relation maître-esclave entre Européens et Africains s'avère n'être qu'un thème parmi tant d'autres dans l'art occidental.
Icônes et rois
Dans les années 1240, Saint Maurice, un martyr du 3e siècle, est représenté pour la première fois comme un saint noir, et l'on peut admirer cette magnifique statue à la cathédrale de Magdebourg, en Allemagne. Au cours des deux siècles suivants, les artistes les plus talentueux de la région continueront à représenter un des trois Rois mages venus offrir des présents à l'enfant Jésus comme un monarque noir très digne et magnifiquement vêtu. Il présente la myrrhe au Christ, qui symbolise l'espoir d'une conversion de l'ensemble de l'Afrique noire à la religion chrétienne.
D'autres sujets bibliques, comme le Baptême de l'Ethiopien, sont également traités par des artistes dès le début du XVIe siècle puis au XVIIe avec Rembrandt. La Reine de Saba est aussi parfois représentée comme une femme noire, comme on peut le voir sur une incroyable miniature bohémienne datant d'environ 1400, qui lui prête une peau noire et des cheveux blonds, tandis que Sephora, la femme éthiopienne de Moïse, fut le sujet d'une ravissante peinture par l'artiste anversois du XVIIe siècle Jacob Jordaens.
... mais aussi faire-valoir et sujets exotiques
Bien entendu, les noirs sont également montrés dans des rôles moins importants; esclaves ou serviteurs de gens riches, leur présence servant à compléter ou renforcer le statut social de ces derniers. On les prenait parfois comme sujets d'étude dans certaines peintures, et des artistes «canoniques» comme Memling, Bosch, Durer, Rembrandt et Rubens les trouvaient manifestement fascinants, en tant que sujets rares ou individus exotiques. Ces énormes archives visuelles témoignent de la fluidité et de la complexité remarquables des relations entre blancs et noirs à travers 4.000 ans de civilisation.
Les archives de la série The Image of the Black in Western Art, situées à l'Institut W.E.B Dubois sur la recherche africaine et afro-américaine de l'université de Harvard, a rassemblé le nombre incroyable de 26.000 images de Noirs dans l'art occidental depuis l'Egypte ancienne jusqu'au XXe siècle. De spectaculaires illustrations représentant des sujets noirs sont inclues dans les quatre livres que nous avons publiés jusqu'à présent, et qui nous amènent jusqu'à la fin du XVIIe siècle. Les quatre tomes suivants, qui devraient sortir l'année prochaine chez Harvard University Press, portera cette histoire fascinante jusqu'à nos jours.
David Bindam et Henry Louis Gates Jr. (The Root)