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L'argot camerounais inspire les musiciens

Au Kamer, affectueux argot utilisé par les Camerounais pour désigner leur pays, les expressions populaires fleurissent à la vitesse de l’harmattan qui souffle sur toute la côte atlantique. A tel point que les chanteurs en ont fait leur principale source d’inspiration. C’est ce que relève un blogueur Kamer —car terme sert aussi à désigner les Camerounais eux-mêmes— dans un post signé sur Mondoblog.

L’auteur y raconte qu’il a reçu un blâme de son employeur pour s’être fendu d’un savoureux «Je ne donne pas le lait» (traduisez: «Je m’en fous!») à un reproche qui lui était fait. Cette expression, comme de nombreuses autres, est utilisée depuis trois ou quatre ans dans toutes les grandes villes du mboa (le pays) et s’est imposée dans l’univers artistique.

C’est d’ailleurs le titre en vogue à ce moment dans tous les kwatt (quartiers) et dans toutes les pharmacies de garde (bars et cabarets de nuit) du Cameroun: Je ne donne pas le lait, du jeune rappeur Duc-Z. 

Mais pourquoi parler de lait quand vous voulez signifier que vous n’en avez cure? Le blogueur tente une réponse:

«Vous n’êtes pas des bébés pour que je sois là à m’occuper de vous, à vous allaiter, à faire attention à ce que vous pensez ou voulez dire.»

Bref, au Cameroun en ce moment, on ne donne pas le lait. Et Duc-Z n’apporte pas d’autre explication quand il affirme ne pas donner le lait à ceux qui lui reprochent de faire du hip-hop au lieu du Makossa ou du Bikutsi, rythmes traditionnels du Kamer.

Les musiciens semblent donc avoir trouvé le bon filon et n’hésitent pas à utiliser le «camfranglais», cet argot typique camerounais mélange de français, d’anglais et de langues nationales. Les chansons les plus écoutées sont celles où cette langue hybride est utilisée. Et ils ont bien raison d’avoir «le sang aux yeux», car ça marche. «Avoir le sang aux yeux» signifie qu’on se moque totalement des conséquences d’un acte, qu’on est quelqu'un de courageux et qui prend des risques. Ce qui, encore une fois, revient à dire qu’on ne «donne pas le lait»…

Tout ça peut wanda (déformation de l’anglais to wonder, s'interroger)  les puristes de la langue de Molière, qui s’étonneront de ce vocabulaire à la sauce gombo. D’ailleurs, le Mondoblogueur, aussi kamer soit-il, s’étonne lui aussi —pardon, wanda lui aussi— sauf qu’il emploie un synonyme pour le dire: «Ça me pach». Surtout quand il critique la «facilité» à laquelle recourent ces artistes. Le Bantu pô-si, un trio de chanteurs, a vendu comme des petits pains son single Je wanda.

En 2010, le Canal d’or du meilleur album (l'équivalent des Victoires de la musique au Cameroun) a été décerné à Guy Watson, pour son album Mignoncité, entendez par là la classe, le charme; bref, le fait d’être mignon. Ce qu’on appelle encore, au pays de Manu Dibango, le nyanga.

Le blogueur pense que ces artistes ont peut-être été inspirés par d’autres, qui à une époque pas si lointaine n’hésitaient pas à introduire des allusions sexuelles dans leurs chansons. Mais toujours dans un langage fleuri.

Le chanteur Papillon dans son tube Cacao café raconte les drames d’une femme qui se plaint des ardeurs de son mari: 

«Tu me suces comme une orange / Tu me piques antibiotiques / Tous les jours la même position»

Tonton La Bombe chante, lui, des textes tout aussi poétiques avec l'histoire de cet homme dont la compagne trouve toujours un prétexte pour ne pas avoir de relation sexuelle avec lui:

«Quand je demande ma chose, tu me dis que ça coule [...] Aujourd’hui, même si c’est la piscine, je vais seulement nager!»

On vous laisse interpréter la métaphore, car le blogueur de Mondoblog n’a pas souhaité traduire… Apparemment, il ne donne pas le lait.

Lu sur Mondoblog