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La Tunisie confirme les tortures policières

Dans son interview du 16 avril 2011 dans le quotidien Essabah, l’ancien ministre de l’Intérieur tunisien Farhat Rajhi a laissé entendre que les débordements des forces de l’ordre sous le régime de Zine el Abidine Ben Ali n’étaient le fait que d’une insubordination collective, rejetant en bloc toute implication hiérarchique de l’Etat et de son propre ministère.

Il a, de ce point de vue, confirmé et reconnu les informations de l’Association de lutte contre la torture (ALTT), de l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques (AISPP), et de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH), sur les accusations de violences, de tortures, de corruption et d’arrestations illégales du corps policier tunisien.

Au fur et à mesure de l’entretien, Farhat Rajhi a laissé entendre que l’appareil policier, rattaché au ministère de l’Intérieur, échappait à toute autorité —y compris celle de l’Etat— et bénéficiait d’une immunité jusqu’ici encore injustifiée. Ce «corps étranger à la nation et à l’Etat», selon les propos de l’ex-ministre, continuerait à ce jour —malgré la révolte populaire et la volonté réformatrice gouvernementale— de commettre des actes issus de pratiques dictatoriales, visant particulièrement les principaux acteurs de la révolution de décembre et janvier.

De cette interview sur l’envers du décor et les pratiques intolérables du régime policier, on retient le mutisme du gouvernement provisoire sur la situation actuelle qui, du point de vue sécuritaire, n’a rien à envier au passé. En effet, les Tunisiens se sentent de moins en moins en sécurité, et la juge d’instruction du tribunal de première instance de Mediya près de Sousse, Chedlia Lamloum, confirme ce sentiment quotidien depuis la révolution de janvier 2011:

«On se sent globalement de moins en moins en sécurité. Une forme d’irrespect de l’Etat et de l’autorité en général, que l’on retrouve dans les propos des tunisiens lors des audiences, se développe progressivement dans nos rues», constate la magistrate.

Pour d'autres, la période de flottement que traverse la Tunisie —et liée à ces pratiques policières qui perdurent— ne sont que le fruit d'un jeu politique entièrement tourné vers les prochaines élections de juillet. En toute logique, le gouvernement actuel, Premier ministre, ministre de l'Intérieur et président compris, ne peut nier l'évidence et continuer à ignorer les exactions policières actuelles relevées par les ONG, qui condamnent leur impunité politique et judiciaire.

L’actuel ministre de l’Intérieur, Habib Essid, nommé à la tête du plus sensible des ministères et fort de son expérience au sein de l’ex-gouvernement, a remplacé le 29 janvier 2011 Farhat Rajhi, sur proposition du Premier ministre Béji Caïed Essebsi. Habib Essid, qui a donc participé au gouvernement de Ben Ali et s’est vu remettre deux distinctions honorifiques par ce dernier, a été le chef de cabinet de personnalités controversées du régime oppressif tunisien. Sa nomination, même provisoire, n'a pas fait l’unanimité dans l’opinion tunisienne.

Lu sur Nawaat