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Rodvin by cyclonebill via Flickr
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Le vin coule d'abondance en Afrique

On ne boit pas que de la bière en Afrique. On lève aussi le coude pour du bon vin français ou du vin bon, un peu tord-boyaux. Question de budget.

Jamais une brasserie n’a encore fait faillite en Afrique. Tout peut s’effondrer sauf ça. C’est vrai, les Africains sont connus pour être de grands consommateurs de bière. Qu’elle soit distillée traditionnellement à base de mil ou de maïs ou qu’elle sorte d’une brasserie moderne. Toutes les occasions sont bonnes pour boire. Dans l’allégresse ou dans la tristesse.

Mais contrairement à bien des idées reçues, on ne boit pas que de la bière ou des «Qui me pousse» (alcool local) en Afrique. Mais aussi du bon vin ou des liqueurs importées, et cela depuis l’époque coloniale. Il y a aussi le vin bon et le bon vin. Le vin bon est celui qui est en réalité bon marché, peu importe sa qualité. On l’appelle aussi communément le «tord-boyaux» et il est le plus souvent vendu en carton. Il est accessible au citoyen ordinaire et on le retrouve partout, jusque dans les hameaux les plus reculés d’Afrique. Le bon vin est au contraire de qualité supérieure et n’est qu’à la portée d’une certaine élite et plus généralement de la classe moyenne. Il s’agit de vin français, qui subit actuellement la concurrence du vin sud-africain. Comme quoi les Africains sont plus panafricanistes dans la bouteille que dans l’action politique en faveur de la construction des Etats-Unis d’Afrique.

En bouteille ou en carton ou encore dans un petit verre vendu au détail, le vin se boit partout en Afrique. Aussi surprenant que cela puisse paraître, c’est un fait. «Je ne bois pas la bière. Ce n’est que du vin que je prends», déclare Lazare, paysan de Popouré, un village du nord-ouest du Bénin. Et il n’est pas le seul dans ce cas.

Une habitude d'anciens combattants

Depuis la fin de la guerre de 1914-1918, la consommation de vin est entrée dans les mœurs africaines. Elle est principalement l’œuvre des anciens combattants ayant participé à la Première Guerre mondiale, qui s’est renforcée par ceux de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Puis, les descendants de ces derniers ont fait le reste de l’excellente opération gratuite de communication autour du vin français.

«Mon père avait toujours une dame-jeanne de vin sous sont lit. Du jour où nous l’avons découverte avec mes frères, nous avons commencé à la siphonner. Et le goût du vin est venu», raconte le journaliste béninois Serge Félix N’Piénikoua.

Entre amis, certains l’appellent le «sang de Jésus». D’autres plutôt «quatre fois cinq» ou «deux fois dix». Pendant longtemps, l’idée selon laquelle le vin augmentait le sang humain a eu la vie dure. Une bonne publicité quoique mensongère. Tout au plus permet-il, à consommation raisonnable, une bonne circulation sanguine comme il favorise une dilatation des veines. Mais difficile de convaincre les alcooliques du contraire. L’argument est tout trouvé pour justifier leur penchant.

Pour les anciens combattants africains, boire du vin a toujours été une habitude. Chaque fois que l’un d’eux perçoit sa pension, il ne se fait pas faute de s’approvisionner en conséquence. Et lorsqu’il est en manque en attendant la pension, il fait tout pour satisfaire son plaisir. Comme l’histoire vraie de cet ancien combattant tchadien qui est allé au marché vendre le mouton de son épouse. Une fois l’argent en main, il s’est rendu dans un débit de boisson où il a rencontré d’autres anciens combattants et ils se sont mis à évoquer leurs souvenirs de guerre. Séance tenante, il a dépensé tout l’argent dans l’achat de bouteilles de vin. De retour à la maison, quand sa femme lui demande l’argent de son mouton, il lui répond qu’il a tout dépensé en ces termes:

«J’ai rencontré des amis et on s’est assis dans ce débit de boisson-là. J’ai commencé à dire au serveur chaque fois que nous finissions une tournée: vin, vin, vin, jusqu’à ce cela a dépassé cent et l’argent est fini.»

Maintenant que les anciens combattants sont en train de disparaître, la nouvelle élite africaine semble avoir pris la relève. Il ne se passe pas d’invitation aujourd’hui dans certains milieux sans que les invités ne s’y rendent avec des bouteilles de vin en main. Une marque de civilité presque devenue une tradition et qui se répand au-delà même du cercle des couches sociales nanties. Seulement voilà: si seulement les Africains si portés sur des biens de consommation extérieurs dont ils affectionnent la qualité pouvaient s’évertuer à les produire, ils deviendraient certainement riches et moins dépendants de l’extérieur. Mais surtout moins embouteillés qu’ils ne le sont aujourd’hui.

Marcus Boni Teiga

 

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Marcus Boni Teiga

Ancien directeur de l'hebdomadaire Le Bénin Aujourd'hui, Marcus Boni Teiga a été grand reporter à La Gazette du Golfe à Cotonou et travaille actuellement en freelance. Il a publié de nombreux ouvrages. Il est co-auteur du blog Echos du Bénin sur Slate Afrique.

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