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Le Sphinx voilé

Par Ridha Ben Kacem

Morsi, vous connaissez ? Oui, c'est le nouveau grand manitou de l'Egypte qui porte, improprement, du reste, le titre de Président. Vous savez quoi ? Pour l'Egypte, l'avènement de ce Frère Musulman, à la tête du pays, est un très mauvais clin d'½il de l'histoire, un de ces clins d'½il, dont la grande Histoire a le secret. Une plaisanterie de mauvais goût, en d'autres termes ou en d'autres maux ! Revanche de l'Histoire ou farce farcesque, à vous de juger. Voici, donc, en exclusivité pour vous, mes chers lecteurs, une petite histoire, très drôle (pas pour tout le monde, bien entendu), pour vous aider à vous déterminer. Nous sommes au Caire, en 1953, soit soixante ans avant l'avènement de Morsi, le Frère (de qui, au juste ?) Musulman. Ou bien, est-ce l'événement Morsi ? L'avènement d'un événement ? L'événement d'un avènement ? Tout cela est si confus et si dangereux !

L'air détendu, hilare, même, Gamal Abdel Nasser raconte, en 1953, à une vaste assemblée hétéroclite réunie autour de lui, les détails de sa rencontre, la veille, avec le représentant de la confrérie des Frères Musulmans, cette organisation qui a vu le jour en 1928, dans la ville d'Ismaïlia. Cet entretien, raconte Nasser à l'assemblée, attentive, à ses propos, a porté sur la question du port du voile, dans les lieux publics. Les Frères Musulmans y tiennent comme à la prunelle de leur pupille dilatée qui ne voit que cela, rien d'autre que cela, faut-il, vraiment, le préciser ? Pour eux, le port du voile est une obligation prescrite par le texte coranique et devant être appliquée, sans exception, sur tout le territoire égyptien, en attendant d'aller l'imposer, partout, sur la planète des hommes, pour leur cacher la vue des cheveux des femmes, car la kératine est très mauvaise pour leur virilité et la santé de tous.

Sans exception, cela signifie... eh bien, sans exception, et sans être obligé, à chaque fois, de vérifier la foi des intéressées, candidates, involontaires, dans leur majorité, au port du voile, des Frères (sans s½urs) Musulmans. C'est qu'en Egypte, il y a des millions de chrétiennes, coptes de leur état, dont on ne peut vérifier l'identité et la foi, à tout bout de champ! Vous en convenez, avec eux, ces Frères si Musulmans, que c'est, en effet, très ou trop, fastidieux, que de vérifier la foi des égyptiennes, dès qu'elles mettent le bout du nez dehors! Pour faciliter la tache, à la police des m½urs, il serait moins pénible d'imposer, la règle du port du voile, à tout bipède de sexe féminin ! J'adore cette logique simpliste qui consiste à cataloguer les gens selon leur apparence ou leur sexe ! J'adore, aussi, ce docte jugement à l'emporte pièce, qui d'emblée, vous donne tort ou raison, selon que vous avez ou pas un petit truc qui gonfle( ?) votre pantalon. Nasser, dont l'esprit semble, totalement, échapper à cette logique simpliste, ne donne pas l'impression d'avoir apprécié la suggestion du Frère Musulman de son Etat.

Le discours réducteur lui passe, bien évidemment, au dessus de la tête, sans l'affecter. Nasser en a vu d'autres et ne se laisse pas impressionner. Résultat, il lui rit au nez et lui répond par la négative, avant de l'envoyer balader. Arguant du fait que, primo, toute femme est libre de ses choix au même titre que les hommes, que, secundo, ce Frère (d'on ne sait de qui, au juste) Musulman, a, lui-même, une fille, étudiante en médecine, qui ne porte pas le voile et, bien évidemment, Nasser le sait : « Comment voulez-vous, rétorque-il à son interlocuteur, que je force dix millions d'égyptiennes à se couvrir la tête si vous ne vous sentez pas, à même, d'y contraindre votre seule fille !».

L'auditoire hétéroclites apprécie la blague à sa juste valeur, et donne libre cours à sa joie de vivre en partant en grand éclat de rire, qui se répercute, encore, de nos jours, au fin fond de l'Egypte, cette Egypte qui commence, à peine, à en revenir, toute voilée ! Mon Dieu ! Je n'en reviens pas pour n'y être pas allé! Sacrée Histoire ! Sacrée Egypte, vieille de plus de cinq mille ans, et toujours si jeune et... si voilée. Le plus drôle, de toute cette histoire, c'est que ce voile est aussi vieux que l'Egypte et c'est même L'Egypte, en Personne, qui l'a inventé, avant de le refiler aux juives de passage au pays. Durant plus de trois mille ans, le voile a égayé la cour des pharaons, ainsi que les rues de Memphis, de Thèbes et d'Alexandrie. Mais, à l'époque, ce sont LES HOMMES qui le portaient et les femmes allaient les cheveux au vent. Le vent de sable a tourné et là où Dieu a apporté la lumière, les Frères Musulmans préfèrent replonger les Hommes dans les ténèbres de leurs élucubrations.

Il y a des années, déjà, que Cheikh Limam (littéralement, Cheikh Prédicateur) nous rappelait :

Masr yamma, yè bahiya === yammou sarha wou gallabiya
Izzamen, chèeb, winti chèbba === houwa rayè7 winti gayèe

Songez-donc ! 1953. Dix-sept ans avant le décès de ce grand leader qu'est Gamal Abdel Nasser, soixante ans, avant que Morsi ne prenne le pouvoir, en Egypte, les Frères (décidément, de tout le monde, sauf des femmes) Musulmans, voulaient booster l'industrie de la confection de tissu, en obligeant toutes les femmes d'Egypte à en consommer, immodérément. Que s'est-il, donc, passé, en l'espace de ces soixante dernières années, pour qu' « Ezzamen » ou la grande Histoire d'Hérodote, se venge, de la sorte, des égyptiennes et bientôt, peut-être, de toutes les musulmanes, en attendant mieux?

Pourtant, il y a 47 siècles, les égyptiens regardaient très haut, vers les cieux. Ils avaient construit la Grande Pyramide qui, du haut de ses 146 mètres, a dominé le monde, des millénaires durant. Ne voilà-t-il pas que les Frères (pas si) Musulmans (que ça, en fin de compte) arrivent et s'inventent eux-mêmes, et le regard de l'Egypte plonge, en chute libre, si bas ! Aussi bas que la Aoura de leurs fantasmes et de leurs complexes ½dipiens. Depuis que leur tête, la première, a quitté la Aoura, ils n'arrivent pas à s'en détourner les yeux ! Honte, à eux ! Le Sphinx, en personne, désespère de leur soumettre sa fameuse énigme, ayant, depuis longtemps, perdu le nez ! Que pourrait-il leur rétorquer, si jamais, ils répondent : « L'homme et pas l'Homme »,excluant, sournoisement, de la sorte, les femmes du champ sémantique de leur réponse? Bien qu'incomplète, la réponse est exacte et il doit les autoriser, conformément à la règle de l'énigme, à entrer en Egypte, alors qu'ils y sont, déjà ! Ils pourraient, alors, se rendre compte que le Sphinx porte le voile masculin de l'ancienne Egypte et ils risquent de l'en priver ! Imaginez, un peu, ce que penseraient, les malheureuses égyptiennes de 2013, si elles voyaient un si grand, un si aristocrate et un si distingué ancêtre dépouillé du voile de ses aïeux ? Un voile dont l'une d'entre elles, pourrait hériter, comme cache misère, pour les prochains millénaires !

« Quel est l'être vivant qui marche, le matin à quatre pattes, à midi, à deux et le soir, à trois ? »,telle était l'énigme du Sphinx et le visa à apposer sur le passeport de tout voyageur voulant entrer en Egypte. On peut conclure, sans risque de se tromper, que le Sphinx était le premier policier des frontières et, depuis, il a fait, des émules tels ce policier, qui, la semaine dernière, à l'aéroport Tunis Carthage, a posé une énigme, à une femme qui voulait se rendre à l'étranger. Il voulait, sans doute, lui refiler, en douce, le voile confisqué à son ancien maitre de pensée, le Sphinx, pour faire plaisir aux nouveaux policiers de frontière, les Frères Musulmans, ses nouveaux maitres à penser.

Par Ridha Ben Kacem le 10 avril 2013

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