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Les rebelles de Misrata vendent la conquête de Tripoli
Une délégation de commandants militaires de Misrata, aux mains des insurgés, a été reçue à Paris par le président Nicolas Sarkozy pour solliciter une aide de la France. L’enjeu: la prise de la capitale libyenne.
«Fier d’avoir convaincu le président français de recevoir la délégation de Misrata», l’écrivain et philosophe Bernard Henry Levy poursuit sa mission de soutien à l’insurrection libyenne et au Conseil national de transition (CNT). Le CNT, basé à Benghazi, dans l’est de la Libye, est reconnu par une trentaine de pays dont en premier lieu la France. BHL se présente comme un témoin de la situation sur les trois fronts importants de la guerre en Libye de Djebel Nafoussa, Brega et Misrata.
Le 20 juillet dans la matinée, il a accompagné à l’Elysée une délégation de commandants militaires de Misrata composée du général Ramadan Zarmuh, son adjoint le colonel Ahmed Hashem et de Souleiman Fortia, représentant du Conseil national de transition (CNT) dans la troisième plus grande ville du pays. Dans l’après-midi, renforcée par trois autres responsables de Misrata —le colonel Brahim Betal Mal et deux représentants municipaux—, la délégation libyenne se présentait devant les journalistes pour une conférence de presse dans un hôtel parisien.
Les six délégués de Misrata, dont la visite à Paris aurait été reprogrammée à deux ou trois reprises selon BHL, sont venus demander une aide supplémentaire en faveur de l’insurrection libyenne. Leur message se résume à une idée force:
«Misrata est la clé de Tripoli», «pour faire tomber Kadhafi».
Selon Souleiman Fortia, Misrata aurait durement souffert face aux forces de Kadhafi. En l’espace de six mois et après un long siège par les troupes loyalistes libyennes, la seule ville de Misrata dénombrerait «plus de 1.500 tués, 5.000 blessés, 2.500 amputés et 7.000 disparus».
«Misrata a besoin d’aides humanitaires, médicales et autres pour que nous puissions accélérer le mouvement», poursuit-il.
Aux demandes de précision venant des journalistes, les délégués de Misrata resteront évasif sur ces «autres formes» d’aides sollicitées.
Une question de jours
Des armes? Les insurgés de Misrata en manquent tout comme des munitions, confie un colonel. Avec le président Sarkozy, «ces affaires militaires ont été abordées, car la France est un pays important qui peut aider à obtenir de l’aide auprès des pays arabes». Quels pays? C’est «secret».
A en croire les délégués de Misrata, la prise de Tripoli est à leur portée. «C’est une question de jours plutôt que de semaines», assurent-ils. Encore faut-il que leur demande d’aide soit satisfaite, laissent-ils entendre.
D’après un colonel de Misrata, les forces insurgés avancent. Elles ne se trouveraient plus qu’«à 7 km de Zlitan, ensuite il y a Khoms et la route vers Tripoli est ouverte».
Un autre délégué insurgé de Misrata témoigne de la situation à Tripoli où il s’est rendu.
«Tripoli est une ville encerclée et il y a des révolutionnaires à l’intérieur de la ville, prêts à se soulever, ils attendent l’arrivée des forces pour se révolter.»
Dans la même veine optimiste et sans avancer de chiffres, un colonel de Misrata assure disposer de forces supérieures en nombre à celles des défenseurs de Kadhafi à Tripoli.
Mais que faire de Kadhafi? La délégation a refusé catégoriquement l’éventualité de mener des négociations avec Kadhafi. Visiblement, les délégués de Misrata sont sceptiques quant à la proposition avancée le 20 juillet par le ministre des Affaires étrangères français Alain Juppé, à savoir que Kadhafi reste en Libye s’il s’écarte du pouvoir. «Le peuple libyen n’acceptera pas que Kadhafi reste en Libye», assure l’un. «Nous ne pouvons pas dire que Kadhafi ne sera pas jugé. Seul le peuple, s’il le veut, peut le faire», se défend un autre. Néanmoins, en dépit de cette divergence manifeste avec la proposition du chef de la diplomatie française, la visite est qualifiée de «très productive».
Philippe Randrianarimanana
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