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Des Miss Tunisie pas comme les autres

L’élection de Miss Tunisie, le samedi 6 avril, a eu une résonance particulière dans le pays.

Première édition du concours depuis la révolution, l’élection de Miss Tunisie s’était donnée pour mission de montrer une femme tunisienne libre, indépendante et intelligente mais aussi de redorer l’image du pays, fortement égratignée par les médias étrangers selon les mots des organisateurs.

«Nous n’avons pas besoin de l’aval du gouvernement pour défendre la femme tunisienne» répond agacée,Aïda Antar, la présidente de l’organisation Tej à un journaliste français qui vient de lui demander si le gouvernement islamiste soutenait l’élection des miss. «Nous n’avons pas eu de pressions et nous avons été plus soutenues par le gouvernement actuel que par l’ancien» rajoute la présidente qui organise depuis 1995 les élections de Miss Tunisie. Au point presse du dimanche matin, l’heureuse élue, Miss Gabès, professeur d’éducation sportive, porte un poids sur ses épaules. Le brushing soigné, la couronne sur la tête et l’écharpe de miss sur l’épaule, elle porte un tailleur rouge, couleur du drapeau national. Elle ne représente pas seulement le pays mais aussi une Tunisie post-révolution où les questions sur les libertés de la femme dans un gouvernement islamiste reviennent quotidiennement dans les médias.

Miss Tunisie 2013. Crédits photos: Amine Boufaied

Aïda Antar admet qu’elle n’avait pas fait d’élections l’année dernière à cause de la période encore tendue. «C’est vrai que nous étions dans une certaine attente après les élections. Et puis nous étions habituées à l’autocensure donc nous nous attendions un peu au pire.»Mais elle finit par se lancer en 2013 via un appel à candidatures sur une page web. Les élections se sont déroulées sans problème diffusée sur une chaîne privée Tunesna et la nouvelle miss, originaire du sud de la Tunisie affirme son ambition de promouvoir une image de la femme tunisienne héritée de Bourguiba.

«Nous voulons aussi restaurer une certaine image de la Tunisie que les gens semblent avoir oublié depuis la révolution. C’est un moment difficile pour le pays mais nous sommes prêts à la démocratie»renchérit-elle.

Hiba Telmoudi, originaire de Gabès, championne de cyclisme et étudiante pour devenir professeur d’éducation sportive a conscience que sa mission dépasse les strass et les paillettes de la soirée de sa victoire. «Le travail que fait la femme en Tunisie est énorme mais nous pouvons avoir plus et nous devons encore nous battre» déclare la Miss qui reprend ses cours le lendemain et qui enchaînera sur l’élection de Miss Monde. Les larmes aux yeux sous ses faux cils, la jeune fille déclare que la plus heureuse, c’est sa sœur, qui avait participé au concours avec elle.

Cette élection promouvant la beauté de la femme n’a pas suscité les émois des extrémistes. La question du défilé en maillot de bain n’avait pas lieu d’être soulevée. Même si Aïda Antar a effectué ses études à l’école des Miss, elle n’a jamais organisé de défilé en maillot dans son pays natal :

«Les filles n’ont pas arrêté de défiler en maillot à cause du gouvernement islamiste. Il n’y a jamais eu de défilé en maillot depuis que j’organise cette élection. Cela n’a pas été par obligation mais par principe. Je ne voulais pas bloquer des filles à cause de la pudeur.»

La question du corps et de sa monstration sont en effet des préoccupations pour les candidates comme la lauréate: «La première chose que j’ai dite à mes parents pour les rassurer, c’est que je n’allais pas m’exposer publiquement aux yeux de tous et que je ne participais pas à cet évènement seulement pour exhiber mon physique.» déclare-t-elle. La question du voile s’est aussi posée pour cette édition. Si sous Ben Ali, les femmes voilées étaient marginalisées de ce genre d’évènement, aujourd’hui, elles peuvent y participer de la même manière que dans d’autres pays musulmans. «Le concours était ouvert à toutes les femmes. Nous avons eu deux filles voilées qui se sont inscrites sur la page web mais elles ne sont pas allées jusqu’au casting.» déclare Aïda Antar.

Du côté des dauphines, elles sont originaires de différentes régions mais ont fait leur études à l’étranger. Ce double regard a aussi façonné leur manière de percevoir l’élection de Miss Tunisie. Pour Sana, Miss Sousse, qui réside à Saint-Tropez, une de ses motivations était de prouver que l’image donnée du pays n’est pas que celle d’une Tunisie en conflit. Miss Gafsa qui habite à Bruxelles partage le même avis :

«Nous avions toujours peur en regardant de loin ce qui se passait en Tunisie dans les médias pendant la révolution et même s’il y a un changement, tout n’est pas noir. Pour moi la femme tunisienne reste une femme forte qui se bat et ça déjà, c’est un point positif.»

Plus que la question des libertés de la femme, c’est la relance du tourisme qu’ont voulu privilégier les organisateurs de cette édition sponsorisée par la compagnie aérienne Tunisair. Pour Asma, Miss Hergla, quatrième dauphine, qui déclare à l’assemblée qu’elle reste un garçon manqué et qu’elle ne savait pas marcher en talons hauts avant le concours, ce n’est pas les Miss qui vont participer à la défense des droits de la femme :

«Il ne faut pas se leurrer, la miss Tunisie représente une femme libre et indépendante mais elle reste une ambassadrice et non une militante. La mission de l’élection, c’est plus de montrer que nous pouvons encore organiser des manifestations culturelles et que le pays n’est pas si morose.»

Asma conclut pourtant par un clin d’œil provocateur, en déclarant admirer les «Femen» pour leur acte de «rébellion» en référence à la Femen tunisienne, Amina, qui avait créé la polémique en posant seins nus sur Facebook .

Lilia Blaise ( de Tunis)

Les billets du blog Tawa fi Tunis

 

 

 

Lilia Blaise

Journaliste à SlateAfrique

Ses derniers articles: Le lourd poids des traditions sur la femme tunisienne  Jocelyne Dakhlia: «Les jeunes sont la troisième voie politique» en Tunisie  Tunisie: quelle liberté pour quelle expression? 

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