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Guillaume Soro, vrai vainqueur de la crise ivoirienne
Mise à jour du 12 mars: L'ex-premier ministre ivoirien Guillaume Soro a été élu lundi 12 mars à Yamoussoukro, sans surprise et à l'unanimité, nouveau président de l'Assemblée nationale.
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Mise à jour du 11 mars: Le Premier ministre ivoirien Guillaume Soro a présenté la démission de son gouvernement au président Alassane Ouattara, près de trois mois après les élections législatives de fin 2011.
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Mise à jour du 10 décembre 2011: Chef d'une rebellion en voie de dissolution et Premier ministre de la Côte d'Ivoire, Guillaume Soro est également candidat aux législatives ivoiriennes du dimanche 11 décembre. Il a terminé sa campagne dans la ville de Ferkéssedougou, dans le nord du pays, avec l'assurance d'être élu. Seule incertitude: le score. Mais les tendances oscillent entre 98 et 100%.
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Mise à jour du 17 novembre: Citoyen français de par sa mère, Michel Gbagbo, le fils de Laurent Gbagbo, a porté plainte pour «enlèvement, séquestration, et traitements inhumains» contre le Premier ministre Guillaume Soro et dix autres chefs militaires ivoiriens au Tribunal de Grande Instance de Bobigny (Ile de France) le 15 novembre. Michel Gbagbo est détenu à Bouna dans le nord de la Côte d’Ivoire depuis le 11 avril.
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Qui pourra bénéficier au mieux de la pacification de la Côte d’Ivoire? Théoriquement, Alassane Ouattara, ADO. Plus sûrement, à terme, celui qui a surgi de la crise comme une pin-up d’un gâteau d’anniversaire; celui que l’accélération de l’histoire post-houphouëtiste a dévoilé comme l’acteur déterminant du bras de fer entre pro-Gbagbo et pro-Ouattara: Guillaume Soro.
Le Premier ministre sortant —et entrant— a surfé sur la vague des Forces nouvelles, qui se sont imposées au cours des neuf dernières années. Celui qu’on surnommait le «Che» dans sa tendre jeunesse en fut le secrétaire général, après avoir été secrétaire général du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI). Il représenta la caution politique de ce Mouvement qui incarna le coup de force du 19 septembre 2002. Il peut se targuer d’avoir été, de 2002 à 2007, le leader de forces qui contrôlaient la moitié du territoire ivoirien. S’il n’est censément pas à l’origine de cette rébellion, il est devenu, de cette hydre, la tête la plus visible.
De même, s’il ne devait pas être le premier responsable du nouveau gouvernement de Ouattara (poste promis au Parti démocratique de Côte d’Ivoire, le PDCI, de Henri Konan Bédié), il s’est imposé comme l’homme providentiel capable de mener les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), loyales à Ouattara, à un assaut final maladroit —mais fructueux.
Egalement ministre de la Défense, il endossa le costume de chef de guerre à la place d’un Ouattara soucieux de ne pas troquer la flanelle pour le treillis. Soro a peut-être usurpé la place d’Ibrahim Coulibaly. dans le MPCI. Il a peut-être dribblé le PDCI pour accéder à la primature. Mais quand bien même il serait un «cannibale» politique, il s’est rendu, à chaque fois, incontestable.
39 ans, et un CV déjà bien rempli
Si Alassane Ouattara devient, à 69 ans, président in extremis, Guillaume Soro a son avenir devant lui. Agé de 39 ans, il est tout à la fois jeune en politique et titulaire d’une longue expérience. Jeune? L’humoriste Adama Dahico explique, dans son dernier spectacle, que, depuis Soro, «P.M.» ne veut plus dire «Premier ministre», mais «Premier métier».
Titulaire d’une longue expérience? Si Soro semble sortir à peine d’une salle de classe, il a pratiqué le militantisme sur un campus ivoirien qui, depuis longtemps, fait office de levain politique. Son «promotionnaire» Charles Blé Goudé, leader des jeunes patriotes pro-Gbagbo, y obtint son diplôme informel d’agitateur qui le conduisit à la tête d’un ministère, même éphémère. Le professeur Laurent Gbagbo lui-même y cultiva la fougue de son remarquable parcours d’opposant. Soro, lui, a dirigé la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) de 1995 à 1998. Sa ténacité lui valut ces quelques jours de prison qui truffent avantageusement le curriculum vitae d’un politicien ouest-africain.
Si le technocrate ADO peine à parler le langage de la jeunesse urbaine, celui des politicards professionnels ou celui des hommes de tenue, Guillaume Soro est, sur ce point, parfaitement polyglotte. Et là est sa force. Soro peut affronter confortablement la «malcause» bonhomme d’un Gbagbo. Le menton volontaire, il peut toiser sans faiblir un Ibrahim Coulibaly qui le dépasse pourtant de trente centimètres. Le moment venu, il saura sans doute amadouer la jeunesse; celle qui s’instruit dans ces laboratoires politiques qu’il connaît si bien; celle qui, dans la rue, est tentée de prendre les armes comme les rebelles dont Soro fit parfois des ministres. L’actuel Premier ministre aura beau jeu d’expliquer, demain, que la rébellion légitime qu’il incarna n’était une solution qu’en ces temps exceptionnels du début des années 2000. C’est déjà le message subliminal de son livre Pourquoi je suis devenu un rebelle, paru en 2005 aux éditions Hachette —éditeur français qui lui ouvrit les portes des talk-shows parisiens.
Si Soro n’a pas encore effectué de campagne électorale en tant que candidat, il a déjà fait ses armes. Il a connu les bureaux feutrés de gouvernements improbables: ministre de la Communication, ministre d’Etat, de la Réconciliation et de la Réinsertion puis Premier ministre sous Gbagbo entre 2003 et 2010; puis à nouveau chef de gouvernement sous Ouattara. Il a aussi traîné ses basques sur les terrains où sifflent les balles. Le 29 juin 2007, il échappait à un attentat à la roquette lors de l’atterrissage de son avion à Bouaké. On aurait pu en retenir qu’il ne faisait pas l’unanimité dans son propre camp —l’opération étant attribuée à des courants de l’ex-rébellion. On en retint finalement qu’il avait le courage d’exposer son poitrail. Quatre membres de son équipage décédèrent au cours de l’attentat. Guillaume Soro aurait-il, en plus, la baraka qu’on attribue aux leaders charismatiques?
Né dans le Nord, dans le département de Ferkessédougou, Guillaume Kigbafori Soro, catholique, échappe à la caricature du nordiste musulman. Plus «militarisé» qu’Alassane Ouattara, il assumera pourtant moins les crimes de guerre commis «pour» ADO, car effectués par des mouvances rebelles dont Soro s’était désolidarisé. Ainsi, une enquête sur le charnier de Duékoué pourrait-elle entacher (pour ce qui est des responsabilités opérationnelles) le commando invisible et rejaillir (pour ce qui est des responsabilités morales) sur Ouattara. Soro a croisé le fer avec l’ancienne génération de politiciens, mais reste un homme politique relativement vierge. Saura-t-il capitaliser ces trois combinaisons favorables? Question de timing.
Combien de temps Guillaume Soro cherchera-t-il à profiter du relatif état de grâce du président Ouattara? Quand prendra-t-il le recul qui lui permettra de capitaliser l’érosion de ce même état de grâce? Objectif: 2015…
Damien Glez
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