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Alassane Ouattara, Abidjan, janvier 2013 / AFP
Alassane Ouattara, Abidjan, janvier 2013 / AFP

Côte d'Ivoire: le rapport de Human Rights Watch qui éclabousse Ouattara

L’ONG de défense des droits de l’Homme dénonce la justice à deux vitesses qui a cours dans le pays.

Il ne s’agit, bien évidemment, pas du tout premier rapport qu’effectue Human Rights Watch, depuis la fin de la dernière crise postélectorale en Côte d’Ivoire. Mais le dernier que publie l’organisation de défense des droits de l’Homme ce 4 avril est, selon toute vraisemblance, celui qui cible directement le président ivoirien, Alassane Ouattara.

Les 82 pages du rapport partent d’un constat froid pour poser une question que de nombreux observateurs se posent, notamment depuis le transfèrement de l’ex-président Laurent Gbagbo à la Cour pénale internationale, à La Haye, fin novembre 2011.

Depuis son investiture, an mai 2011, le président Ouattara s’était engagé à traduire en justice les responsables de la crise ivoirienne, quels que soient leur appartenance politique ou leur grade dans l’armée. Or, constate Human Rights Watch, «même si les procureurs ont inculpé plus de 150 personnes pour des crimes perpétrés au cours des violences postélectorales, aucun des inculpés ne provient des forces pro-Ouattara».

D’où cette question qui sert donc de fil d’Ariane à ce nouveau rapport sur la situation des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire: pourquoi les proches de Ouattara, eux aussi, soupçonnés de crimes durant le conflit n’ont toujours pas été traduits en justice de manière à pouvoir répondre de leurs actes?

Promesses non tenues

Pour l’ONG, Alassane Ouattara n’a tout simplement pas tenu sa promesse d’une justice équitable et impartiale, perturbant ainsi le processus de réconciliation. Dans tous les cas, le rapport de Human Rights Watch vient conforter les positions des proches de l’ex-président Laurent Gbagbo qui parlent depuis la fin de la guerre d’une «justice des vainqueurs» et réclament à cor et à cris la libération de leur leader et de son épouse, Simone Gbagbo, et celle de tous les responsables du FPI (Front populaire ivoirien, ex-parti au pouvoir).

Le rapport est intitulé Transformer les discours en réalité: l’heure de réclamer des comptes pour les crimes internationaux graves commis en Côte d’Ivoire. Un ton qui ne souffre d’aucune ambiguïté, puisque les auteurs du document précisent:

«Le soutien exprimé par le président Ouattara en faveur d’une justice impartiale sonne creux s’il n’est pas assorti de mesures plus concrètes visant à rendre justice aux victimes des crimes commis par les forces pro-gouvernementales

Et de poursuivre:

«Si la Côte d’Ivoire veut rompre avec son dangereux héritage qui permet aux personnes proches du gouvernement d’être à l’abri de la justice, il faut qu’elle engage des poursuites crédibles à l’encontre des responsables de crimes appartenant aux deux camps impliqués dans le conflit postélectoral.»

Des actes et non des discours

Human Rights Watch —qui dit attendre, aujourd’hui, davantage d’actes que de discours— affirme n’avoir «aucun doute que les forces de Ouattara ont commis des exactions durant la crise post-électorale surtout dans la phase finale de la crise».

Le rapport fait quelques propositions. D’abord à l’attention de la fameuse Cellule spéciale d’enquête, mise en place dans le pays, en juin 2011, en même temps que le Commission vérité, dialogue et réconciliation. Il est recommandé à la Cellule spéciale d’enquête d’élaborer une cartographie détaillée, région par région, des crimes commis pendant la crise.

Human Rights Watch suggère ensuite aux autorités ivoiriennes de soutenir l’indépendance des juges et des procureurs et demande aux partenaires internationaux de la Côte d’Ivoire —dont l’Union européenne, les Nations unies, la France et les Etats-Unis— d’«accroître leurs pressions diplomatiques et leur soutien financier aux efforts de justice impartiale».

L’ONG conclut son rapport en interpellant la Cour pénale internationale. Selon Human Rights Watch, «la CPI devrait rapidement enquêter sur les crimes commis par des individus appartenant au camp Ouattara et, sur la base des éléments de preuve, demander que des mandats d’arrêt soient délivrés».

C’est la seule garantie pour un véritablement apaisement en Côte d’Ivoire, souligne l’organisation.

Raoul Mbog

Raoul Mbog

Raoul Mbog est journaliste à Slate Afrique. Il s'intéresse principalement aux thématiques liées aux mutations sociales et culturelles et aux questions d'identité et de genre en Afrique.

 

 

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