mis à jour le

Kofi Annan aurait tenté de négocier le départ de Mugabe
Selon WikiLeaks, le secrétaire général des Nations unies aurait voulu négocier en 2000 le départ de Robert Mugabe. Mais le président zimbabwéen n’aurait pas été intéressé par une retraite dorée.
On croyait avoir tout lu sur les tentatives de faire démissionner Robert Mugabe de ses fonctions: sanctions, exclusion temporaire du Commonwealth des Nations, isolation économique, et même, en 2008, des élections libres perdues par Mugabe. Cependant, il semblerait qu'une de ces tentatives nous ait échappé, il y a dix ans de cela.
Si l'on en croit un câble daté de septembre 2000, une source de l'opposition affirme que le secrétaire des Nations unies de l'époque, Kofi Annan, aurait proposé à Mugabe une retraite dorée avec option asile politique à l'étranger:
KOFI ANNAN, LORS DU RECENT SOMMET DU MILLENAIRE A NEW YORK, A PROPOSE A MUGABE UN ACCORD EN ECHANGE DE SA DEMISSION. BIEN QUE XXXXXXXXXXXX AFFIRME QUE LE MDC [Mouvement pour le changement démocratique, le parti d'opposition] N'A PAS EU CONNAISSANCE DES DETAILS, IL A SUPPOSE QUE L'ACCORD PRESUME DE ANNAN INCLUAIT PROBABLEMENT DES DISPOSITIONS D'ASILE POLITIQUE AINSI QU'UNE ENVELOPPE FINANCIERE DE LA PART DU PRESIDENT LIBYEN KADHAFI. LE PARTI D'OPPOSITION A ENTENDU DIRE QUE MUGABE AVAIT REFUSE L'OFFRE LE LENDEMAIN, APRES EN AVOIR DISCUTE AVEC LA PREMIERE DAME. ANNAN, CONTINUE XXXXXXXXXXXX, N'EST PAS LE SEUL A ESSAYER DE FACILITER LE DEPART DE MUGABE.
On ne connaît pas la fiabilité de la source de l'ambassade américaine, sachant qu'elle a admis que ses informations n'étaient que ouï-dires. (Et comme le fait remarquer le Guardian, d'autres informations de cette même source alimentent la machine à rumeurs depuis des décennies, et furent tournées en ridicule lorsque le Haut-commissariat britannique a tenté de vérifier les rapports.)
Mais le plus intéressant dans ce câble, c'est qu'il indique de potentielles divisions au sein du parti au pouvoir, le ZANU-PF (Union nationale africaine du Zimbabwe - Front patriotique ).
En effet, certains membres de son entourage craignaient de plus en que les difficultés économiques du pays étouffent leurs intérêts commerciaux, et étaient apparemment disposés à passer un accord. Pendant ce temps, le MDC —le parti d'opposition qui a remporté les élections de 2008 et formé un gouvernement de coalition avec Mugabe depuis février 2010— s'est lui aussi montré favorable à laisser partir le vieil homme avec élégance. Voici ce que dit le câble:
MEME S'IL N'EST PAS ENTHOUSIASTE A CE SUJET, LE PRESIDENT DU MDC MORGAN TSVANGIRAI RECONNAIT QU'IL EST DANS LE MEILLEUR INTERET DU ZIMBABWE QUE LE MDC FASSE TOUT SON POSSIBLE POUR GARANTIR UNE STRATEGIE DE RETRAIT ELEGANTE ET QUI MAINTIENT UN HERITAGE QUELQUE PEU POSITIF POUR MUGABE. AUTREMENT, CELA N’INCITERAIT PAS LE PRESIDENT A PARTIR.
Outre les incitations financières, la source estime qu'une conférence devrait être organisée entre le parti au pouvoir, le ZANU-PF, et le MDC de Tsvangirai, essentiellement pour mettre en place la succession de l'homme fort du Zimbabwe et assurer certains paramètres pour le gouvernement qui suivra.
On peut facilement imaginer pourquoi tout ceci a échoué. En plus d'une forte méfiance entre les deux partis, il est devenu clair que plus l’élection présidentielle de 2002 approchait, plus Mugabe avait de chances de les remporter (même de manière malhonnête) —ce qu'il a fait.
Et le reste, comme on dit, appartient à l'histoire.
Elizabeth Dickinson (Foreign Policy)
Traduit par Nora Bouazzouni