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Cameroun - Les Bameka chassent le diable en dansant
Bameka, petit village de l’Ouest du Cameroun, n’en finit plus de conter ses malheurs. Hameau enclavé, perdu sur les hauts plateaux, il manque de routes, d’électricité et même d’eau potable. Pourtant, il abrite une station de captage d’eau qui alimente toutes les grandes villes alentours, notamment Bafoussam, le chef-lieu de la région de l’Ouest. De plus, en l’espace de dix ans, les habitants ont perdu successivement trois chefs coutumiers —fait très rare dans cette région encore fortement marquée par les croyances ancestrales.
Le chef actuel du groupement, Jean Raymond Takoukam, intronisé il y a tout juste cinq ans, a donc trouvé une idée originale pour conjurer le mauvais sort. Il a organisé un festival culturel le 2 avril dernier pour «exorciser à la racine le mal dont souffre le peuple Bameka». Tout un week-end de chants et de danses avec les habitants du village et les personnes originaires de cette tribu, auquel ont également été conviées les autorités administratives de la région. Un week-end de fête, pour invoquer les dieux et les ancêtres. Au centre des attractions de ce festival, l’exécution d’une grande danse initiatique, le Ndzet Nekang, conduite par le chef et des membres de sa société secrète. Le chef Takoukam ajoute qu’il a voulu recréer «un socle de communion» pour permettre de sortir son peuple de l’isolement et du malheur.
Dans le village, beaucoup pensaient en effet que derrière le décès successif des chefs Bameka, se cachait une malédiction pour obliger à rétablir de l’ordre dans l’alternance au trône —les prédécesseurs de Jean Raymond Takoukam ayant plus moins été jugés «illégitimes». «Il nous fallait trouver quelque chose qui nous réconcilie avec nous-mêmes», a ajouté le chef traditionnel de la tribu des Bameka, au terme de ce festival dont l’enjeu était aussi de sortir le village de l’ornière.
Le groupement Bameka s’est créé au XVIIe siècle. Après plusieurs vagues migratoires, ses fondateurs se sont installés dans cette région que l’on nomme les «grassfields», les hautes montagnes herbeuses. Et le village porte toujours les séquelles des luttes nationalistes qui ont causé la mort de nombre de ses fils. Bameka se trouve en effet dans une région qui a servi de maquis pendant les combats pour l’indépendance du Cameroun, il y a une cinquantaine d’années.
Lu sur La Nouvelle expression