SlateAfrique

mis à jour le

A Dakar, les marins pêchent au gré du vent

Des cerfs-volants aux couleurs variées qui planent ici et là sur la côte de Dakar et remplissent le ciel sénégalais... Ne nous y trompons pas, il ne s'agit pas d'enfants, ni d'une réunion d'amateurs de la discipline aérienne, ou encore d'un quelconque rendez-vous poétique, mais bel et bien du nouveau moyen de transport des pêcheurs d'Afrique de l'Ouest.

Au Sénégal, les pêcheurs isolés en pleine mer, victimes du matériel vétuste de leurs embarcations, vont pouvoir respirer un peu grâce aux cerfs-volants. Le pays et ses 1.500 kilomètres de côtes —l'une des zones de pêche les plus prisées au monde— compte 10.000 pirogues et autant de pêcheurs qui risquent tous les jours leurs vies sur ces bateaux de fortune aux moteurs bricolés. 

Pêcheurs à bout de souffle

Environ 50 d'entre eux sont portés disparus chaque année à la suite de pannes de leurs moteurs hors-bord qui, faute d'entretien, isolent les pêcheurs en haute mer au cœur de marées pouvant s'étaler sur quinze jours. L'utilisation de l'éolien comme énergie pour naviguer, ou du moins seconder les moteurs artisanaux des pirogues et ainsi garantir une sécurité aux pêcheurs, suscite l'intérêt du ministère. L'alternative originale et haute en couleurs voit progressivement le jour sur le port de Dakar. Le bénéfice est double puisqu'en plus d'économiser le carburant, le cerf-volant sert de drapeau et donc de signal pour les marins perdus qui, faute de moyens de communication de grande portée, ne peuvent alerter les autorités en cas de détresse.

L'inventeur du «cerf-volant de survie dynamique», qui à l'origine a servi de moteur de secours à des concurrents malheureux lors de l'édition 2009 de la course transatlantique Bouvet Guyane (qui relie à la rame le Sénégal à la Guyane), Stéphane Blanco, est professeur de mathématiques en France et passionné par le vent depuis près de quinze ans. Le cerf-voliste, qui a grandi à Dakar, est justement venu en février former les Sénégalais à les fabriquer eux-mêmes et soutenir le projet. Ils comptent en produire aux moins 100 dans les prochains mois. Le gouvernement, via son ministère de la Pêche, souhaite encourager et valoriser l'initiative:

«On projette de faire une production à grande échelle et de l'élargir à tous les pêcheurs sénégalais», assure le responsable de l'administration des pêches pour le département de Dakar, Diene Ndiaye.

Les cerfs-volants créés sont capables de tracter une pirogue de douze mètres vers la côte à une vitesse moyenne de trois à quatre nœuds, soutiennent les initiateurs du projet. La pêche, essentielle car pourvoyeuse principale des devises du pays, est d'origine surtout artisanale via les pirogues. En dehors d'être utile et écologique, l'initiative ne manque pas d'une certaine élégance.

Lu sur RNW, Charente Libre