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Le problème du Nord-Mali n'est pas un problème identitaire
La crise malienne a été réduite à des questions identitaires par des politiciens aux ambitions à peine cachées.
Comme nous l'évoquions déjà ici à plusieurs reprises, la rhétorique visant à dresser les Maliens du sud contre ceux du nord (et inversement) semble trouver un écho grandissant au sein de la société malienne.
A l'occasion d'une conférence organisée par l'Africa Regional Services de l'ambassade des Etats-Unis à Paris, le journaliste malien Bakary Traoré ainsi que Michael Pelletier, sous-secrétaire d'Etat adjoint au département d'Etat américain, ont tenu à rappeler que le fond du problème au Mali n'était pas dû aux tensions communautaires, et que la cohabitation et la mixité étaient essentielles pour construire un meilleur avenir.
Les différents intervenants ont ainsi mis en garde contre les amalgames identitaires et les confusions que la crise malienne a dévoilés.
Manipulation?
«Le fond du problème n'est pas une question identitaire. C'est une manipulation de la question identitaire», a ainsi expliqué le journaliste Bakary Traoré, par ailleurs membre du collectif des Maliens de France pour la paix.
Pour lui, les Touaregs ne doivent en aucun cas être tenus pour responsables de la situation au Nord-Mali, car ils sont «une composante à part entière de la Nation malienne» au même titre que les autres populations. Il déplore d'ailleurs les dérapages et l'amalgame trop souvent fait entre ceux que l'on appelle les «peaux blanches» et les islamistes radicaux.
Plus encore, le Mali est selon lui riche des diversités culturelles qui le caractérisent, et la crise qui sévit au Nord-Mali ne doit pas remettre en cause la mixité du pays. «Dans une famille malienne, vous avez souvent un père songhoï, une mère touareg, ou inversement. Le Mali est ainsi fait» a-t-il précisé.
Toujours selon Bakary Traoré, c'est en revanche le MNLA (Mouvement national de libération de l'Azawad), qui serait responsable d'une véritable manipulation de la question identitaire, en s'érigeant comme l'organisation représentative de toutes les populations du Nord-Mali .
«Le MNLA est une organisation illégale et illégitime», a-t-il expliqué, avant d'ajouter:
«Il ne représente ni les populations du nord du Mali (majoritairement songhoïs), ni même les Touaregs».
Bakary Traoré, journaliste malien, et Elikia Mbokolo, chercheur congolais, sont venus comparer les situations maliennes et congolaises. A Paris, le 08 mars 2013. Photo Pascal Sim/Africa Regional Services
Le dialogue, seule issue
Pour Michael Pelletier, chargé de la diplomatie publique au Bureau des affaires africaines du Département d'Etat américain, faire l'amalgame entre l'ensemble des populations touaregs et le MNLA serait aussi une erreur. Pour lui, un maître mot s'impose toutefois pour sortir le Mali de la guerre et des divisions : «le dialogue».
Dans la droite ligne du discours du Département d'Etat depuis le début de la crise malienne, Michael Pelletier a ainsi répété que «le gouvernement américain donnait toujours la priorité au dialogue. Cela vaut mieux qu'une guerre».
«Au Mali, il faut un gouvernement démocratiquement élu pour trouver des solutions à long terme» a aussi martelé le sous-secrétaire d'Etat adjoint.
Michael Pelletier le 08 mars 2013 à Paris. Photo Pascal Sim/Africa Regional Services
Ambroise Védrines
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